Pour ouvrir sa 24e saison artistique, l’espace El Teatro organise, du 27 septembre au 12 octobre, la rencontre des libres penseuses laïques en arts et lettres dans le monde arabe et la Méditerranée.
‘‘Ces F… Respectueuses’’, titre choisi par ironique allusion à la pièce de Jean-Paul Sartre ‘‘La Putain respectueuse’’ ou à l’organisation féministe française ‘‘Ni Putes ni Soumises’’, est organisée dans le cadre d’un projet de la Fondation Anna Lindh, en association avec FAnaNet, la plate-forme euro-méditerranéenne pour les femmes artistes.
Le programme de cette rencontre, concocté par Zeyneb Farhat, directrice d’El Teato, comprend des ateliers de gestion de projets culturels (2 jours), d’autres consacrés aux techniques de la nouvelle (7 jours), une résidence de photographes (7 jours), une rencontre d’écrivaines (2 jours), un atelier-information comparatif des législations concernant la femme dans les pays de la région (1 jour), mais aussi des spectacles de théâtre et de danse et une exposition de photos originales.
Abattre les tabous
«‘‘Ces F… Respectueuses’’ vivent dans leur pays du Sud et du Nord. Leur marche est irréversible et leur prise de paroles est sans retour. Elles sont fières de leur discours, qu’elles expriment sur tout support: scène, cimaises, livres, médias audio visuel. Elles bougent et font bouger les masses silencieuses, majoritairement féminines mais aussi masculines qui découvrent que tout tabou peut (et, même, doit) être débattu et abattu», écrit Mme Farhat dans son introduction à la manifestation.
Constatant le manque de «modèles positifs» chez les jeunes filles et garçons d’aujourd’hui, au sud de la Méditerranée, où, souligne-t-elle, «les populations du sud arabe sont malmenées entre les abus de pouvoir de leurs gouvernants, et l’image majoritairement négative [de ces derniers] qu’ils voient sur les écrans des télévisions du Nord», Mme Farhat propose ses ‘‘F… Respectueuses’’, comme étant une réponse possible à l’«état soporifique de nos sociétés» arabo-musulmanes, où «le syndrome de la femme voilée (…), présentée comme unique symbole de respectabilité» et «comme unique modèle de la femme musulmane», est «mis en exergue dans les moyens de l’information», alors qu’elle «ne représente qu’une minorité aussi bien dans le monde arabe et musulman qu’en Europe.»
Paroles d’intellectuelles et d’artistes
Face au «vide terrorisant de références intelligentes et modernistes» et au «black-out imposé aux unes» et aux autres, Mme Farhat essaie de rendre hommage à ces ‘‘F… Respectueuses’’ à travers une série d’activités culturelles et artistiques qui, 14 jours et14 nuits durant, tenteront de libérer la parole féminine dans ce qu’elle a de plus ouvert, de plus foisonnant et de plus créatif.
Des intellectuelles et des artistes de Tunisie (Sana Ben Achour, Olfa Youssef, Raja Ben Slama, Emna Ben Miled, Imen Smaoui, Malak Sebai, Ines Chekimi, Soumaya Bouallagui), de France (Brigitte Kaquet), du Liban (Houda Barakat), de Syrie (Salwa Nouaimi) et de Turquie (Feliz Salanzi), ainsi que Judith Neisse, experte du programme ‘‘Genre’’ de l’Union européenne (Ue), sont au rendez-vous.
Marginalisées, peu écoutées, sinon suspectées de dangereuses accointances voire de sacrilèges transgressions, les femmes laïques, tout comme les hommes se disant sécularistes, et se tenant à un écart respectable des dogmes et des partis-pris religieux et autres, ont de plus en plus de mal à exister dans l’espace public arabo-musulman. Et c’est tout naturellement qu’un espace culturel qui ne fait pas mystère de ses options modernistes, El Téatro en l’occurrence, situé dans une ville, Tunis, où la féminité s’exprime plus ouvertement que dans n’importe quelle autre ville de la région, se donne pour mission d’accueillir les voix (voies) des femmes du Sud.
On espère, bien sûr, que le programme proposé, au-delà de l’effet d’annonce et des discours éprouvés et lénifiants des projets et programmes estampillés Euromed, sera à la hauteur des promesses. On espère aussi qu’il y aura vraiment débat, et non de simple papotages de femmes dans leurs salons, et que les participantes (et les participants) en sortiront vraiment enrichis.
Y. M.
Pour en savoir plus, le site d’El Téatro