La scène s’est déroulée, lundi 25 octobre, avant la projection, en avant-première pour les journalistes, de ‘‘Miral’’, programmé aux Jcc 2010, dans les studios de Tarak Ben Ammar à Gammarth.
Après la projection du film de Julian Schnabel, réalisateur juif américain, d’après un scénario de Rula Jebreal, journaliste italienne d’origine palestinienne, qui a duré 1h52, un débat a suivi en présence du réalisateur, de l’auteur, de l’actrice Hiam Abbas – que les Tunisiens ont découverte dans ‘‘Satin rouge’’ de Raja Amari – et, bien sûr, de Tarak Ben Ammar.
Héla Dhaouadi à côté de la plaque
S’agissant d’un film qui défend la cause palestinienne, écrit à partir d’une histoire vraie vécue par une Palestinienne – qui a passé le plus clair de son enfance dans un orphelinat avant d’enseigner dans les camps des réfugiés –, et qui plus est réalisé par un juif américain, les questions ont fusé de toutes parts. A chaque journaliste, sa question. Et à chaque question une réponse conséquente. Mais, dans la panoplie des questions, une (et une seule) était grandement dérangeante. Son auteur n’est autre que Héla Dhaouadi, journaliste à Hannibal TV, vedette de l’émission ‘‘Bila Moujamala’’, qui, comme à son habitude, a mis à côté de la plaque. Sa question: «Est-ce que Madame Rula a écrit son film avec un regard juif?» (sic !) La réaction de Tarak Ben Ammar a été immédiate: «Madame, avez-vous vraiment vu le film, compris du moins de quoi il s’agit? Oh non, là, je m’excuse! Une question pareille! Bon, le débat est terminé. Nous avons du travail…».
Le juif américain ambassadeur des Palestiniens
Après cette belle correction, que tous les confrères (et consœurs) devraient méditer, Tarak Ben Ammar a repris sur une note moins coléreuse: «Rula Jebreal a écrit son récit de vie en 2003 et n’a rencontré le réalisateur israélien qu’en 2007.» En d’autres termes: «C’est le réalisateur juif américain qui a construit son film autour d’un regard palestinien». Héla Dhaouadi a donc commis un contre-sens absolu. Mais où donc est-elle allée chercher sa question? A-t-elle, au moins, été attentive pendant la projection? Ou a-t-elle cherché seulement, comme à son habitude, le contrepied, la boutade et le jeu de mot puéril? Passons…
Julian Schnabel et Rula Jebreal
«Ce film va être une tempête», a ajouté Tarak Ben Ammar, qui a retrouvé entre-temps son calme. Et de souligner: «Il va réveiller les consciences et c’est plus que tout autre discours politique. Julian Schnabel sera l’ambassadeur des Palestiniens. Ce film touche les émotions, les sensibilités sans trop s’arrêter sur le sang ou le terrorisme des deux côtés. Dans ce film, il y a une réalité qui pénètre la membrane et c’est là (par curiosité) qu’on se pose la question suivante: on est dans le réel ou pas? Il sera dans toutes les langues et sera présenté l’année prochaine à l’assemblée des Nations Unies en présence de tous les présidents du monde. Ce film expliquera au monde entier la réalité en Palestine… Aujourd’hui en Tunisie et demain à Qatar. Sa première a été à Venise…».
Parlant de son livre-témoignage, l’auteur Rula Jebreal a déclaré: «J’ai passé en revue ma vie en Palestine occupée. C’est un récit de vie, c’est l’histoire de tous les enfants palestiniens depuis soixante ans. C’est la vie de ces orphelins, de ces femmes, de ces veuves, de ces sans-abri… de quatre générations qui se succèdent dans la misère».
«Avant de faire ce film, on m’appelait juste un metteur en scène, mais maintenant, le juif américain. Si ma mère était vivante, elle qui a toujours défendu la cause juive, serait fière aujourd’hui de moi», explique le réalisateur.
Tarak Ben Ammar l’ami des Rabin
Le producteur tuniso-français, qui se dit un fervent défenseur de la cause palestinienne, n’a pas manqué l’occasion pour réitérer son engagement pour la paix au Proche-Orient. «J’ai attendu ce genre de film toute ma vie. Ce n’est pas une opération commerciale, mais une mission», a-t-il lancé. Et d’ajouter: «Le film a été projeté à New York et Julian Schnabel a pris des risques. Au final, il n’a pas été insulté par sa communauté. La dernière image du film évoque cette lueur de paix à Oslo qui n’a pas abouti. Je suis ami avec la fille de Rabin, tué par un terroriste israélien peu de temps après la signature des accords d’Oslo. On s’est dit alors que la paix n’est pas assassinée. Il y aura toujours espoir et la paix reste possible».
Yüsra Mehiri
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