«Le devenir des arts dans les sociétés maghrébines contemporaines», tel est le thème de la 2e Rencontre du Maghreb des Arts organisée vendredi 10 mai au Musée national du Bardo par la Fondation K. Lazaar.
Que les salafistes continuent ou pas à menacer la modernité et vouloir arrêter le progrès intellectuel, les acteurs culturels, artistes, critiques, mécènes et historiens de l'art sont décidés à poursuivre leur effort pour promouvoir l'art et marquer l'histoire de la région de leur empreinte audacieuse. Et le fait de se rencontrer à chaque fois pour réfléchir sur un thème est en soi un signe de cette détermination à résister aux forces de la régression et du révisionnisme. «De résistance et une volonté inouïe pour exister et graver la mémoire par un peu de soi», résumera à Kapitalis, le calligraphe Nja Mahdaoui.
Nja Mahdaoui (à droite): créer c'est résister.
Les arts contemporains dans tous leurs états
La salle du sous-sol du Musée du Bardo, dont une grande partie du bâtiment a été récemment rénovée, était pleine comme un œuf. Et la journée a été bien meublée d'interventions et de débats.
Ils sont venus du Maroc, de l'Algérie voisine, du Liban. Mais aussi d'autres pays. Des galeristes d'origine maghrébine résidant notamment en Europe ont répondu, eux aussi, à l'invitation et enrichi le débat par leurs expériences et par leurs lot de propositions. Un autre regard avec un recul.
Pour mettre la rencontre dans son cadre, Soumaya Gharsallah, directrice du Musée national du Bardo, et Kamel Lazaar, président de la fondation organisatrice ont mis la rencontre dans son cadre. Le devenir de l'art contemporain dans la région est aujourd'hui une responsabilité à assumer et tout le monde doit être impliqué. Ce n'est certes pas facile, mais il ne faut jamais abdiquer. «Les artistes ont aussi leur rôle pour changer le monde sociopolitique», ont-ils plaidé.
Aicha Gorgi, la galeriste, et Aicha Filali, l'artiste: un débat utile, nécessaire...
Artistes et acteurs du marché de l'art
Au programme de cette manifestation: quatre tables-rondes au cours desquelles les acteurs de l'art et de la culture ont fait le tour de plusieurs sujets à l'ordre du jour. La première, animée par Oussama Rifahi de Beyrouth et Ghita Gabsi de Tunis a été consacrée à la question du mécénat artistique dans un monde plutôt morose traversé par des crises sociopolitiques.
Les structures muséales dans leur relation à l'action du mécénat ont été discutées par la 2e table ronde. Abdelkader Damani, directeur du projet Veduta, Biennale d'art contemporain de Lyon, et Bernadette Nadia Dufrâne, muséologue et médiation culturel de l'Université de Paris 8 et de l'Ecole du Louvre, ainsi que Farid Zahi, critique d'art et directeur de l'Institut universitaire de la recherche de Rabat, ont mis l'accent sur la nécessité de doubler d'effort, de ne pas se laisser entrainer par les difficultés qui ne sont que passagères et œuvrer, chacun de son côté, pour que la région marque la phase actuelle par sa créativité spécifique et raconte à sa manière cette page de son histoire.
Côté galerie : il y a aussi beaucoup à parler avec notamment Lilia Ben Salah de la Galerie El Marsa Tunis/ Dubaï, Selma Feriani de Selma Feriani Gallery à London&Tunis, Aïcha Gorgi, de la galerie Ammar Farhat de Sidi Bou Saïd, Hamadi Cherif de Cherif Fine Art de Sidi Bou saïd et Dar cherif de Djerba, Bchira Triki Bouazizi de l'espace Bchira Art Center de Sabelet Ben Ammar à Tunis et Sana Tamzini, du Centre d'art vivant du Belvédère... ont passé en revue les difficultés que connait le marché de l'art.
Avant de clôturer la journée, l'Algérienne Nacera Benseddik, historienne d'art épigraphique et archéologue, Houcine Tlili, peintre et historien d'art ainsi que Mehdi Benedetto, artiste mosaïste, ont parlé de la nécessité de «promouvoir d'une manière contemporaine la création artistique patrimoniale au Maghreb, le cas de la mosaïque». Une manière de s'interroger, aujourd'hui, sur «les moyens adéquats de préserver les acquis de la création et de les mettre en valeur dans une dimension à la fois muséographique, culturelle et économique».
Les acteurs culturels, historiens et artistes n'ont aujourd'hui qu'une seule solution : résister aux tentations du repli (identitaire ou autres), retrousser les manches et se remettre au boulot. L'imagination sera au bout. Et elle viendra à bout de toutes les frilosités.
Z. A.