Le French Institute Alliance Française (FIAF) organise, depuis le 2 mai et pendant près d'un mois, la 5e édition de son festival biennal World Nomads qui rend hommage à l'exception culturelle tunisienne sous ses diverses expressions.
Par Marwan Chahla
Cet événement a mis la Tunisie à l'honneur pour refléter la diversité de son paysage culturel, artistique et créatif et ses différentes mutations, depuis la Révolution. Le quotidien américain d'information ''The Huffington Post'' (THP) n'est pas resté insensible à cette célébration de la culture de la Tunisie révolutionnaire. Pour preuve, il a posté, cette semaine, une interview de la présidente de la FIAF, Marie-Monique Steckel, qui explique les raisons du choix porté sur la Tunisie. Pour elle, la révolution a ouvert toutes grandes les portes de la libre expression aux jeunes talents tunisiens et permis aux gens de s'affirmer: «Ils jouent un rôle important dans la manière dont ce sens de la liberté est vécu par tout le pays», dit-elle.
Les pays du Printemps arabe ont été un contexte rêvé pour la naissance d'une nouvelle génération d'artistes qui ont leur mot politique et social à dire. Peut-être trop impliqués dans notre quotidien incertain et tumultueux, nous ne réalisons pas l'ampleur de cette dimension culturelle de notre Révolution, qui demeure toute aussi importante que les autres.
El Seed, lorsque le talent de la jeunesse tunisienne est gravé sur les murs.
L'immédiat, il est vrai, reste urgent et nous accapare. L'art est devenu, dans les circonstances présentes, un luxe que l'on ne peut s'offrir ou saisir. De fait, une pleine prise de conscience des transformations de notre paysage culturel requiert plus de distance et moins de soucis... plus d'ouverture et moins de résistance rétrograde qui est en train de s'installer dans notre pays.
La culture et les arts renouvelés
Le quotidien américain d'information en ligne ''The Huffington Post'' est venu nous rappeler qu'il est permis aux Tunisiens de tirer fierté de leur révolution qui a généré «l'explosion d'un véritable génie créateur d'individus et de communautés qui ouvrent la voie à une culture artistique renouvelée».
Pour ''THP'', l'espace, le temps et les moyens matériels et financiers que le festival World Nomads met à la disposition de l'innovation et l'expérimentation culturelles tunisiennes sont amplement mérités. New York n'est pas trop grand pour les évènements et représentations que le FIAF a programmés pour cet évènement une palette très étendue d'expositions, de conférences et de spectacles consacrés à l'art, la musique, la danse et le théâtre tunisiens.
Emel Mathlouthi, la voix de la Révolution.
Marie-Monique Steckel, président du FIAF, s'explique sur cet engouement de son institut et son enthousiasme personnel: «Il n'y avait pas meilleur timing pour le World Nomads Tunisie. Au lendemain de la Révolution, il y a eu en Tunisie une véritable explosion des jeunes talents. En effet, lors de mon séjour, il y a six mois, en compagnie de notre conseillère en arts plastiques, Elizabeth Krief Manardo, qui est Tunisienne de naissance, nous avons pu constater par nous-mêmes un milieu culturel et artistique particulièrement dynamique et un foisonnement de jeunes talents exceptionnels, et surtout l'engagement de la femme tunisienne et sa contribution aux arts. C'est ce que l'on a voulu montré au public new-yorkais».
Le FIAF a mis l'accent sur trois types d'expression, en particulier: la musique, la chanson et la photo qui, selon Marie-Monique Steckel, sont les espaces où la nouvelle créativité artistique tunisienne est la plus forte. «Notre festival reflète cela avec trois chanteurs, et notamment Amel Mathlouthi, la voix de la révolution, qui a donné un spectacle au FIAF, le 22 mai. L'exposition photographique à la White Box dégage également une grande puissance, et les photos de manifestations de rues prises par des femmes tunisiennes traduisent cette nouvelle créativité du pays».
La jeunesse tunisienne façonne la liberté
La présidente du FIAF a également acquis la certitude du rôle prépondérant que l'artiste tunisien joue, en cette période post-révolutionnaire, dans la construction d'une nouvelle identité culturelle: «Ce sont, dit-elle, ces jeunes femmes et hommes qui sont en train de façonner et de partager ce sentiment de liberté vécu par tout le pays».
Marie-Monique Steckel, présidente du FIAF.
Cette génération montante d'artistes tunisiens dont les œuvres animent l'édition 2013 du World Nomads traite pour la plupart de la question du statut de la femme tunisienne et exprime la crainte de voir un certain extrémisme gagner du terrain en Tunisie et, du coup, menacer les acquis de la femme. Marie-Monique Steckel cite l'expérience malheureuse de l'artiste-plasticien Mohamed Ben Slama dont les peintures ont été lacérées et brûlées, en juin 2012, par des salafistes. Craignant pour sa vie, le peintre a choisi de s'exiler...
Ces mêmes extrémistes religieux, «enfants» de Rached Ghannouchi, qui font peur aux artistes, aux modernistes et aux progressistes, ont fait du chemin, depuis la projection du film franco-iranien ''Persépolis'', en octobre 2011, par Nessma TV. Ces derniers temps, ils ont pris les armes et menacent de mettre le pays à feu et à sang pour imposer la chariâ.
Tout cela, toutes ces pertes et d'autres peurs à venir, parce que le 23 octobre 2011, une quarantaine pour cent des électeurs tunisiens ont cru que les candidats d'Ennahdha étaient des hommes et des femmes «qui étaient honnêtes et craignaient Dieu».
A présent, l'on est fixé sur ce que cette honnêteté des Nahdhaouis et leur crainte de Dieu impliquent.
Source: ''The Huffington Post''.