Lors de la conférence de presse, jeudi 20 juin à Tunis, pour annoncer le programme du 49e Festival international de Carthage, son directeur, Mourad Sakli, a souligné son intention de structurer cette manifestation afin qu'elle retrouve ses lettres de noblesse.
Par Samantha Ben-Rehouma
Cette année, plus que les autres, le festival est très attendu avec ses têtes d'affiche : Paco De Lucia, Jean-Michel Jarre, George Benson, Shaggy, Majda Roumi, Kadhem Essaher, etc. Ajoutez à cela la conjoncture politico-économico-sociale, qui a plongé la Tunisie dans une dépression sans précédent, et vous comprendrez pourquoi le Festival de Carthage est un évènement très attendu par les Tunisiens, en quête d'une bouffée d'air frais!
Journalistes et artistes font part de leurs griefs contre l'organisation du festival.
Les nouveautés
Chaque année, a expliqué Mourad Sakli, 50% du public entre gratuitement aux spectacles soit parce que le spectateur connaît untel à l'entrée soit parce qu'il travaille dans un organisme ou un ministère. De telles habitudes sont à bannir désormais si l'on veut que ce festival soit synonyme de qualité artistique et de sérieux, seuls à même de lui redonner une notoriété internationale. C'est pourquoi cette année, il n'y aura plus de billet mais une carte à barres qui sera introduite dans un tourniquet (comme le Navigo du métro parisien) et qui ne sera utilisée qu'une seule fois par soirée, ceci pour éviter toute fraude.
Côté scène, cette année, le Festival a investi dans un écran géant amovible qui, selon l'artiste ou la soirée, sera utilisé ou pas.
Côté cour, toutes les loges ont été refaites afin d'offrir plus d'autonomie aux artistes. Les chaises ne seront plus en plastique et le grand échafaudage en acier, qui gâchait le paysage du public assis dans les gradins, sera enlevé.
La polémique
Beaucoup de journalistes présents à la conférence ont manifesté au directeur du festival leur mécontentement du manque d'organisation ayant marqué les éditions précédentes, et sur le fait que Mourad Sakli a beaucoup employé le terme «moi je» tout au long de sa présentation (la belle affaire!) mais aussi sur la participation des chanteurs tunisiens et les critères ayant permis leur sélection. Ce à quoi l'intéressé a répondu: «Il ne suffit pas d'être connu des plateaux télévisés pour pouvoir prétendre à faire un ''live'' sur scène. Ce n'est pas donné à tout le monde! D'autant qu'en Tunisie, il y a un vrai manque de producteurs et d'agents artistiques et il m'est donc arrivé pour ces sélections de changer de casquette en conseillant des jeunes chanteurs à tenter leur chance pour l'année prochaine, une fois prêts techniquement parlant».
Le talent tunisien (30% en plus que 2012) sera donc à l'honneur, à travers des artistes confirmés et reconnus dont la réputation a largement dépassé nos frontières, et d'autres, plus jeunes, au talent plus que prometteur : Lotfi Bouchnak (chantera plus de 20 chansons inédites), Ezzeddine Gannoun, Zohra Lejnef, Zied Gharsa, Brahim Létaief, Fadhel Jaibi, Samir Loussif, Mohamed Ali Kammoun, Fadhel Jaziri, Sami Lejmi, etc.
Slah Mosbah s'invite dans la polémique.
Désaccord mineur
Un autre clash a eu lieu (décidément) avec l'intervention, ou devrais-je préciser, les interventions du chanteur Slah Mosbah. Ce dernier, très remonté contre les organisateurs du festival, ne s'est pas gêné pour dire le fond de sa pensée «Tout comme Hannibal et Bourguiba, moi aussi ''atit demi lel Tounes'' (littéralement : j'ai donné mon sang à la Tunisie) et aujourd'hui je subis l'apartheid en étant éloigné de ce festival que je connais comme ma poche!» Que répondre à de telles doléances?
Heureusement, tout est bien qui finit bien, Mourad Sakli a su gérer avec sang froid tous ces couacs et accusations : «Pourquoi le programme n'est écrit qu'en français?»; «Pourquoi inviter encore Kadhem Essaher?»; «Qui a dessiné l'affiche, elle est nulle», et j'en passe et des meilleures...
Pour ce qui est de l'affiche, pourquoi jeter l'opprobre – comme lors des Jcc – sur ce qui est avant tout une création artistique originale et non pas un vulgaire cliché Photoshop; mais bon là encore les goûts et les couleurs sont dans la nature.
Les surprises
Après avoir maintenu le suspens jusqu'au bout, Mourad Sakli a dévoilé les deux stars mondiales qui vont enflammer Carthage. Si je vous dis ''Rolling In The Deep Someone Like You, Skyfall'' vous devinez tout de suite qu'il s'agit d'Adèle. Quant à la deuxième star qui est une Gipsy Waka Waka et qui lorsqu'elle se déhanche ''Whenever Wherever'', on est tous "Loca'' c'est... Shakira!
Autant dire que l'arrivée de toutes ces stars de renommée mondiale devrait faire réfléchir à deux fois notre ministère du Tourisme (ou s'il n'y arrive pas, prendre exemple sur le Maroc) lorsque déjà la moitié des billets pour Jean-Michel Jarre, Paco de Lucia, George Benson, Salif Keita, Manu Dibango, River Dance ont été réservés – ce qui signifie touristes, séjour et devises – c'est toute une armada qui doit être mise en place pour que la culture et les arts soient célébrés comme il se doit.
L'horizon créatif de la manifestation va pendant plus d'un mois mettre Tunis en effervescence, de quoi bouillir de plaisir... L'été sera chaud, l'été sera show!