Sbeïtla, connue pour ses vestiges archéologiques, est au cœur d'une action visant à intégrer la sauvegarde du patrimoine dans un processus de développement économique de la région de Kasserine.
Par Yüsra N. Mhiri
Sbeïtla, est une ville historique, au centre-ouest de la Tunisie, attenante au gouvernorat de Kasserine. Magnifiquement intégrée dans les paysages grandioses, elle se démarque par la richesse d'un patrimoine remontant loin dans l'antiquité, et qui doit être préservé et transmis intact aux générations à venir. Pour ce faire, un long travail va être mis en oeuvre...
Sbeïtla, l'ancienne Sufetula, est une cité fondée par les Romains, sous la dynastie des Flaviens, dans la deuxième moitié du 1er siècle après Jésus-Christ. On en retrouve des traces à travers divers monuments de l'époque romaine, tels que des forums et théâtres, ou de l'époque byzantine avec la présence d'églises.
En avant-plan: Habib Kazdaghli et Daniel Soil.
Cette richesse est un trésor faisant l'objet d'un débat visant à réconcilier le Tunisien avec sa mémoire, son identité et son histoire. En effet, le Tunisien n'est pas tout-à-fait conscient de la qualité et de la valeur de ce trésor et des possibilités de l'exploiter dans le processus de développement régional. Pour preuve : à Sbeïtla, les monuments sont généralement délaissés, et peu d'intérêt leur est consacré. De plus les habitants de Kasserine n'en voient généralement que les aspects négatifs, comme les interdictions de construire sur des terrains archéologiques, comme le stipule les conventions de protection du patrimoine de l'Unesco ratifiées par la Tunisie. En réalité, comme le souligne Habib Kazdaghli, doyen de la Faculté des lettres, des arts et des humanités de la Manouba, «ce sont des régions riches, mais dont la population est pauvres : il faut inverser cette tendance».
L'antiquité est l'avenir de Sbeïtla
Le pôle Eunic Tunisie, qui rassemble des Etats membres de l'Union Européenne, organise un atelier sur le patrimoine du 27 au 30 juin prochain, en partenariat avec l'association Azer pour le développement durable. Les organisateurs, qui sont conscients de l'ampleur des moyens nécessaires à la sauvegarde du patrimoine de Sbeïtla, de l'insuffisance des ressources économiques et scientifiques et techniques du pays, tentent de conjuguer leurs efforts pour faire en sorte que le patrimoine de la région soit une clé du développement économique et un outil incontournable de la démocratie.
Sana Tamzini: des artistes pour redonner vie aux vestiges historiques.
A l'échelon national, les responsables sont conscients que leurs actions restent souvent incomplètes. Différents ministres, notamment ceux de la Culture, de la Formation et de l'Emploi, et du Tourisme, encouragent vivement cette initiative et se félicitent du soutien des pays étrangers.
Durant l'atelier, qui se tiendra à Sbeïtla, il sera question d'étudier les solutions réalisables pour favoriser un développement régional en valorisant les lieux archéologiques, mais aussi et surtout de sensibiliser les habitants de la région à cette problématique. La sensibilisation doit cibler d'abord les plus jeunes qui, pour pouvoir reprendre le flambeau, doivent s'approprier le patrimoine légué par leurs ancêtres et en faire bon usage.
Par amour du patrimoine
Sana Tamzini, directrice du Centre national de l'art contemporain de Tunis prévoit un programme artistique intégrant les habitants de Sbeïtla, afin qu'ils prennent, eux aussi, part aux différents projets et qu'ils se rendent compte de la richesse de leur région. L'objectif est simple: travailler en interaction afin de créer l'attraction. Une pléiade d'artistes animera le site historique pour lui redonner vie et créer une synergie dans la région.
Hafedh Yousfi, président d'Azer.
Il ya également des programmes ludiques pour les petits, comme le jeu «A la recherche du trésor» au sein même des sites, pour que les enfants puissent apprendre tout en s'amusant. «Les aider à joindre l'utile à l'agréable afin de gagner leur intérêt», explique Hafedh Yousfi, président d'Azer pour le développement durable.
Il est aussi question de se nourrir de l'expérience étrangère. Certaines d'entres elles ayant porté leurs fruits peuvent être reproduites en Tunisie. D'où l'importance des échanges et du dialogue lors de l'atelier qui se tiendra à Sbeïtla
La culture au cœur de l'action
«La culture est un outil de développement, un élément d'enrichissement. Un site comme Sbeïtla doit être largement exploité, aussi bien sur le plan économique que social», conclut Daniel Soil, délégué de la fédération Wallonie-Bruxelles à Tunis, très impliquée dans ce projet.
«Des régions riches, mais dont la population est pauvres», déplore Habib Kazdaghli.
Toutes ces volontés réunies visent à promouvoir les traditions et coutumes tunisiennes, à la création de lieux touristiques et des attractions culturelles. Toute une panoplie de projets qui auront un impact sur le développement économique de la région et la valorisation du savoir-faire et des compétences de ses habitants.