Le Festival international de Carthage accueillera, dimanche, le chanteur-compositeur tunisien Zied Gharsa. Le programme sera essentiellement composé du répertoire du grand Tahar Gharsa*. L'oeuvre du père revisitée par le fils...
Par Yüsra N. M'hiri
Zied Gharsa, l'un des meilleurs interprètes du patrimoine musical classique tunisien, est, on le sait, le fils de Tahar Gharsa (1933-2003), le maître du malouf tunisien. Dimanche soir, le digne héritier, devenu en une douzaine d'années l'emblème du patrimoine musical tunisien, donnera, sur la scène du théâtre romain de Carthage, un concert qu'il espère grandiose en hommage (et à la mémoire de son père), à l'occasion du 10e anniversaire de sa disparition.
Zied Gharsa a expliqué, lors de la conférence de presse, mercredi à Tunis, que ce concert a été, pour lui, l'un des plus durs à préparer. Et il promet au public carthaginois, et en exclusivité, la découverte de chansons composées par Tahar Gharsa, qui n'avaient jamais été chantées auparavant.
Né le 16 mars 1933 dans le quartier du Tourbet El Bey, dans la médina de Tunis, non loin de la rue El Banna où loge Khemaïs Tarnane, Tahar Gharsa a tout appris auprès de ce maître auquel la chanson tunisienne doit ses lettres de noblesse.
Zied Gharsa promet un concert 100% Tahar Gharsa:le "tarab" tunisien dans toute sa splendeur.
Gharsa fils a profité de l'occasion pour faire part de son indignation face à la négligence dont fait l'objet le patrimoine musical national, qui n'est pas protégé comme il le faut: «Le chant tunisien de souche est le patrimoine du pays, il faut le préserver. C'est une richesse que nous devons transmettre de père en fils. C'est un devoir envers les générations à venir», explique-t-il.
Dimanche soir, le public du Festival de Carthage est donc invité à vibrer aux mélodies inoubliables de Tahar Gharsa, à de ses envolées lyriques et aux sonorités enivrantes d'une Tunisie éternelle que seuls les Gharsa, père et fils, savent honorer de leurs voix inimitables et de leur science du malouf. Les nostalgiques y trouveront sans doute leur bonheur.
Quant au plus jeunes, ce sera une occasion inespérée pour découvrir les ressources inestimables d'une tradition musicale insuffisamment connue. Et qui mérite d'être remise au goût du jour...
==========================
Bio-express de Tahar Gharsa
Fils d'un père mélomane, Hamida Gharsa, le petit Tahar écoutait énormément de musique: charqi et tounsi, malouf, malhoune ou soulamia, ce qui lui donne une bonne oreille musicale. Grâce à Tarnane, il s'initie au malouf et apprend les muwashshahs et l'oud (luth oriental).
Il enseigne à l'École normale supérieure de Gorjani, à l'Institut national de musique et à La Rachidia où il fait la connaissance de Hédi Jouini, de Mohamed Triki et de Salah El Mahdi. À la mort de Tarnane, il est désigné pour s'occuper de La Rachidia mais, en 1965, il la quitte après des désaccords entre cette dernière et le ministre de la Culture de l'époque. Ceci le pousse alors à constituer l'Association Carthage pour les chansons d'antan qui donne ses spectacles au café Saf Saf de La Marsa et à Kobbet Lahoua, au Belvédère.
La dette du fils envers le père.
En 1968, il prend en charge la chorale de la radio tunisienne pendant une douzaine d'années. Il se met ensuite à la composition de dizaines de wasla et de chansons populaires qui ne tardent pas à entrer dans le répertoire national: «El Ouachma», «Mechmoum El Fell» et surtout «Meguies» qui devient l'une des chansons tunisiennes les plus connues.
Vers les années 1990, il revient à la direction artistique de La Rachidia avec le maestro Abdelhamid Ben Aljia. Il meurt en 2003.