Cinq ans après un premier concert qui avait laissé un goût amer dans la bouche de certains, la star jamaïcaine a mis le feu à Carthage malgré un show plus lisse qu'à l'accoutumée.
Par Seif Eddine Yahia
Le théâtre antique de Carthage n'était pas totalement rempli mercredi soir pour ce qui s'annonçait comme un des concerts majeurs de ce 49e festival. La faute, peut-être, à des tickets dont le prix oscillait entre 40 et 100 DT. Pour autant, le nombre de personnes présentes était amplement suffisant pour permettre à un artiste tel que Shaggy de mettre le feu.
Comme presque à chaque fois maintenant, le show a démarré avec 25 minutes de retard. Avant l'entrée du pape du dancehall sur scène, DJ Q, le DJ du groupe de Shaggy, nous a proposé un mix électro-pop reprenant tous les tubes les plus éloignés de l'univers de Shaggy de ces deux dernières années. Flo-Rida, Carly Rae Jepsen, Rihanna, Gotyé: le mix, digne de celui d'un DJ de club de province n'augurait rien de bon pour le reste du show surtout quand on connait l'importance des platines tant dans les shows hip hop que dans les concerts de reggae-dancehall.
Entré sur scène sous une ovation, le Jamaïcain a commencé le spectacle avec ''Bonafide Girl''. (Ph. Samy Snoussi)
Ces doutes se sont effacés quand le guitariste du groupe, Jacob Wise a démarré un solo endiablé qui a affolé l'ensemble du public présent. Shaggy est alors entré sur scène sous une ovation et a commencé le spectacle avec ''Bonafide Girl''.
Un spectacle partiellement lissé
Lors de la conférence de presse précédant le concert, Shaggy s'était déjà fait interroger sur la possibilité d'effectuer son spectacle (avec ce que cela peut comporter d'obscénités tant dans ses paroles que dans son jeu de scène) pendant le mois de Ramadan.
En réponse à ces questions et sûrement à une volonté des organisateurs du festival, Shaggy a évité, autant que possible, les gestes tendancieux auxquels il nous avait habitués par le passé. Il a d'ailleurs rappelé, à la fin du concert, qu'il avait été volontairement soft afin de ne pas choquer l'audience.
Pourtant, au lancement de sa deuxième chanson, qui se trouve être aussi son grand classique, ''Mr Bombastic'', Shaggy n'avait pas le choix : la chanson l'impose et le public n'a nullement été offusqué par son jeu de scène provocateur et tendancieux.
Sa deuxième chanson fut son grand classique, ''Mr Bombastic''. (Ph. Samy Snoussi)
Ce morceau a été l'occasion pour le chanteur de «bousculer» le public assis aux places les plus chères, en lui rappelant que l'ambiance se trouvait dans les gradins. ''Mister Bombastic'' a aussi permis de montrer, à ceux qui en doutaient, que Shaggy était capable de faire trembler Carthage.
«It's cooler than New York City, It's Tunisia»
Après avoir interprété ''Jump Up Around'', l'artiste jamaïcain, qui semblait obsédé par les restrictions liées au mois du Ramadan puisqu'il en a parlé au mois 5 ou 6 fois lors du concert, a fait grimper la température de quelques degrés par un mix reprenant le tube de Robin Thicke ''Blurred Line', ''Empire State of Mind'' de Jay Z et Alicia Keys et le classique tunisien, ''Sidi Mansour''. Entre les deux derniers morceaux, l'artiste n'a pas hésité à flatter l'ego des Tunisiens par ces mots: «Here, it's cooler than New York City, it's Tunisia» avant de nous gratifier de quelques pas de danse qui n'avaient rien à envier au Mohamed Errouj de la grande époque.
L'entrée en scène de Ravon, l'alter ego de Shaggy depuis 2000, a permis au raggaeman d'enchainer avec quelques morceaux plus smooths comme ''Angel et Strength of a Woman''. Par la suite, le chanteur a totalement acquis le public de Carthage à sa cause lors de sa session reggae-dancehall, où il a repris des titres comme ''In the Summertime'', ''Fly High'' et l'incontournable ''It wasn't me''.
Le passage dancehall du spectacle a certes mis une grosse ambiance dans les tribunes, mais le public s'est littéralement enflammé dès les premières notes de ''Hey Sexy Lady''.
Shaggy a livré un concert qui a fait bouger l'ensemble du public de Carthage. (Ph. Samy Snoussi)
Première sortie de scène pour Shaggy et premier rappel de la part du public. Les musiciens reviennent sur scène et font retentir les premiers accords du tube mondialement connu de Sly & Robbie: ''Murder she wrote''. Un moyen de rappeler que Shaggy a travaillé en collaboration avec le duo de musiciens sur un nouvel album prévu fin septembre. L'artiste a interprété un extrait de ce nouvel album avant de terminer par ''Feel the rush'', histoire de convertir les derniers réfractaires n'ayant pas souhaité se lever pendant le spectacle.
Shaggy n'a pas déçu
Les craintes qui ont fait suite au concert de 2008 se sont estompées : Shaggy était dans son état normal, et a offert une prestation de qualité cette année à Carthage. On s'attendait à ce que le reggaeman fasse preuve de plus de folie lors de son show.
Vu le nombre de fois où il a abordé le mois de Ramadan quand il parlait au public, on peut se douter que des consignes de décence lui ont été données avant de monter sur scène. Certains trouveront cela dommage mais, même s'il n'était pas à 100%, Shaggy s'est entouré d'un groupe de musiciens talentueux et a livré un concert qui a fait bouger l'ensemble du public de Carthage. Que demander de plus?
Illustration: Ph. Samy Snoussi.