A l'occasion de la journée nationale de la femme, le 13 août, le Festival de Hammamet a rendu hommage à Miriam Makeba. Malgré de gros problèmes d'organisation, le concert de Zenzi Makeba et des autres artistes a tenu ses promesses.
Par Seif Eddine Yahia
Ce mardi 13 août, la Tunisie fêtait les femmes. Alors que cette année, les célébrations ont été allègrement récupérées par le parti au pouvoir et par l'opposition du Bardo, on en avait presque oublié le sujet central de cette célébration.
Le Festival de Hammamet a proposé un programme particulier pour cette journée de la femme. Plusieurs artistes féminines étaient donc à l'honneur dans le théâtre de plein air de la station balnéaire touristique, le point d'orgue de la soirée étant bien sûr l'hommage rendu par l'artiste Zenzi Makeba à sa grand-mère Miriam Makeba, qui avait brillé en son temps sur les scènes tunisiennes.
Mouna Amari.
Une soirée riche et diversifiée était prévue avec des artistes représentant les arts des quatre coins de notre continent. Malheureusement, des problèmes d'organisation et, peut-être aussi, un certain chauvinisme, ont contribué à la non-représentation de certaines artistes étrangères au profit d'un film hommage à Dorra Bouzid, que bon nombre des personnes présentes dans le public n'ont d'ailleurs pas jugé utile de regarder.
Après l'habituel discours du directeur du festival, la chanteuse et musicienne Mouna Amari est montée sur scène, entourée de ses musiciens. L'artiste a interprété ''Hob enness'' et ''Oqrob ya asfoura'', deux chansons qui ont ravi le public présent et ont permis à la chanteuse de sortir sous des applaudissements nourris.
Nawal Ben Kraiem.
Nawal Ben Kraiem et sa formation de trois musiciens a pris la suite de Mouna Amari et le moins que l'on puisse dire c'est que la performance était quelque peu inégale. On pourra saluer le travail rythmique du percussionniste Lewis René, qui a réussi à animer la performance de la chanteuse franco-tunisienne, mais celle-ci nous a gratifiés d'une série de textes rassemblant tous les poncifs imaginables à propos de la Révolution tunisienne et de la situation des femmes dans notre pays. Après 5 chansons, la jeune interprète a laissé sa place à celle que tout le monde attendait: Zenzi Lee Makeba.
Hommage à Miriam Makeba
Aucun musicien à l'entrée en scène de la chanteuse. Après une brève introduction, Zenzi a interprété ''Mama'' a capella en hommage à sa mère et, bien évidemment, à sa grand-mère Miriam Makeba.
Après cette chanson qui a donné des frissons à l'ensemble de l'assistance, le trio de musiciens accompagnant Zenzi est arrivé sur scène pour la chanson suivante ''Liwa Nechi'', un morceau du répertoire zaïrois repris il y a quelques années par Mama Africa. Le grand classique ''Malaïka'', qui avait été repris il y a quelques semaines à Carthage par Manu Dibango, était également au programme du concert de Zenzi Makeba.
Scène finale avec Zenzi Makeba, et les autres chanteuses invitées.
Tout au long de son tour de chant, Zenzi Makeba a proposé une plongée dans le répertoire de son illustre grand-mère mais aussi un voyage à travers tout le continent africain. Ainsi, en reprenant certaines chansons de Mama Africa, Zenzi Makeba a exploré les répertoires tanzanien, mozambicain, zaïrois et sud-africain. Avec ''Jolincomo'', l'artiste nous a même fait découvrir le répertoire Xhosa (la fameuse langue des clics).
Retenons également de cet excellent concert de Zenzi Makeba, l'exceptionnelle performance de ses musiciens qui ont pu, lors de plusieurs solos, faire étalage de leurs talents. Les improvisations inspirées d'African Kizé, le pianiste du groupe pendant la chanson ''In Love'' resteront dans toutes les mémoires.
La chanteuse a également rendu hommage à son arrière-grand-mère guérisseuse en interprétant ''Ingwe Nabamala'', chanson pendant laquelle Zenzi Makeba paraissait habitée par une force supérieure.
Un final collectif mais une organisation pathétique
Les dernières chansons ont permis au public de se joindre, par la danse, à cette célébration. L'artiste sud-africaine a interprété ''A luta continua'', hymne appelant à l'indépendance du Mozambique avant de laisser la place à Nawal Mlanao, artiste franco-comorienne, qui a proposé une version personnelle de ''Malaïka'', accompagnée de l'ensemble des chanteuses présentes à cette soirée.
Toutes les artistes ont ensuite repris conjointement la chanson la plus connue du répertoire de Miriam Makeba : ''Pata Pata''. Cette interprétation nous a permis de revoir sur scène Mouna Amari et Nawal ben Kraeim mais aussi et surtout de découvrir Nawal Mlanao et Hanta Gasy, artiste franco-malgache que nous n'aurions pas eu la chance d'entendre autrement, en raison des problèmes d'organisation et de la primauté donnée par les organisateurs au documentaire de 52 minutes sur la vie de Dorra Bouzid (alors que ce film n'était pas dans le programme de départ).
Zenzi Makéba, qui était pourtant au centre du spectacle, puisque l'hommage était destiné à sa grand-mère, a également dû réduire son concert de trois ou quatre titres afin de faire monter sur scène et de faire chanter celles qui avaient été négligées par les organisateurs du festival. En faisant cela, la chanteuse a montré toute son élégance et son humilité. Qualités dont n'ont pas fait preuve les organisateurs du festival qui ont totalement manqué de respect à ces deux artistes, sans doute pour satisfaire de vieilles amitiés entre eux et Dorra Bouzid. Le festival n'en sort hélas pas grandi.
Si on passe outre ces soucis d'organisation, les spectateurs présents ont pu clôturer dignement cette journée de la femme grâce à Zenzi Makeba et aux autres chanteuses présentes ce mardi.