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Programmée le 1er août, la comédie d'Ibrahim Letaief a finalement fait la clôture du festival de Carthage. Une sortie toute en légèreté pour un festival qui aura su tenir ses promesses malgré l'été agité que le pays a vécu.

Par Seif Eddine Yahia

 Après plus d'un mois de concerts et d'évènements, nous avions eu droit mercredi à la dernière soirée du festival. Et pour clôturer les réjouissances estivales, le public a assisté à la projection du dernier film d'Ibrahim Letaief ''Hezz ya Wezz'' (''Affreux, cupides et stupides'' en français).

Le film, dont la projection était initialement prévue le 1er août, a finalement fait la clôture du festival en raison du deuil national consécutif au drame de Chaambi.

Le fait de placer un film traitant d'une fête qui tourne court à cause de l'intervention de braqueurs intégristes, à la fin d'un festival, lui-même troublé par deux deuils nationaux et divers problèmes politiques, aurait pu représenter une forme de clin d'œil, mais la teneur dramatique des derniers évènements nous incitera à ne pas chercher plus loin la correspondance entre fiction et réalité.

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Des clins d'œil malicieux aux grandes œuvres du cinéma.

Chef Hédy, Sultan, Elvis et les barbus

Le film se déroule dans un pays fictif touché par le «Printemps Arabe» et dans lequel désormais tout est permis. Bien qu'il n'en soit pas ouvertement question dans le long-métrage, c'est bien la situation de la Tunisie qui est évoquée.

Dans ce pays fictif, Sultan, un escroc multirécidiviste, tente de se faire beaucoup d'argent en organisant une Star Academy fictive permettant à son organisateur de délester les candidates un peu trop naïves de plusieurs centaines de dinars.

Tout se passe pour le mieux jusqu'au jour où un groupe d'intégristes décide de braquer les organisateurs de la Star Academy (Sultan et sa femme) pour leur soutirer leur butin. Après une fusillade et une course-poursuite rocambolesque, le butin disparait et tous se lancent à sa recherche.

La fusillade donne bien évidemment lieu à une enquête de police et à l'entrée en scène du personnage principal de l'histoire, Chef Hédy, un policier corrompu à mi-chemin entre le Jean-Paul Belmondo de la grande époque et le célèbre inspecteur Tahar algérien.

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Un cheikh intégriste, alcoolique et pervers, chef d'une banque de braqueurs.

L'action croisée entre l'enquête et la recherche éperdue du magot donne lieu à l'émergence d'une galerie de personnages tous plus savoureux les uns que les autres : une adjointe au commissaire fan d'Elvis, une mère maquerelle avide, un cheikh intégriste, alcoolique et pervers ou encore des islamistes rôdant dans un combi Volkswagen à l'effigie de Snoop Dogg...

La peur des salafistes, les tortures dans les commissariats, les Anonymous, la lutte entre religieux et nationalistes: tous ces sujets liés à l'actualité tunisienne sont évoqués dans ce film, mais là où d'autres en font des tonnes sur ces problèmes, Letaief cherche plutôt à les évoquer avec subtilité par un jeu de mots, ou un plan mais guère plus.

Ainsi, pour parler des abus commis par la police lors des interrogatoires, pas de long discours mais une simple bouteille en verre posée sur une table et une question du chef Hédi: «Tu veux qu'on parle des Droits de l'Homme?»

Traiter de sujets aussi graves avec autant de légèreté, et parvenir à faire rire le public, c'est clairement la marque des grands.

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Chef Hédy, à mi-chemin entre le Jean-Paul Belmondo et l'inspecteur Tahar.

Comme à son habitude, le réalisateur multiplie les clins d'œil aux grandes œuvres du cinéma. Le titre français est un hommage à peine voilé au grand classique d'Ettore Scola ''Affreux, Sales et Méchants'' et le côté caricatural des personnages est un emprunt évident au cinéma de cette époque. Notons d'ailleurs qu'à l'étalonnage, le réalisateur a volontairement vieilli l'image pour donner un côté rétro au film et se rapprocher du style Scola de l'époque.

Le réalisateur a aussi probablement cherché des sources d'inspiration dans les comédies algériennes du début des années 90, qui avaient su tirer profit de l'actualité dramatique et de l'affrontement entre les islamistes et les autorités pour écrire certaines des plus belles pages du cinéma algérien. On pense notamment à la comédie de Mahmoud Zemmouri ''De Hollywood à Tamanrasset'' qui abordait certains sujets sensibles avec le même décalage et la même légèreté.

Un film très riche et très dense donc. Une réussite qui a permis de clôturer ce festival de la meilleure des manières.

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Là où d'autres en font des tonnes sur les problèmes de la Tunisie, Letaief cherche plutôt à les évoquer avec subtilité par un jeu de mots, ou un plan mais guère plus.

Des organisateurs à féliciter

Saluons d'ailleurs le travail effectué par toute l'équipe de ce 49e festival de Carthage ainsi que par son président, Mourad Sakli, qui a cherché à rendre son prestige à un festival qui avait trop longtemps été entaché par les magouilles et le copinage.

Saluons également la transparence de la communication autour du festival ainsi que la qualité des artistes proposés tout au long de ce mois de concerts. Malgré les évènements dramatiques que le pays a connus et les annulations de plusieurs concerts en raison des deuils nationaux, les organisateurs de l'évènement ont souhaité offrir un festival de qualité au public et ils en ont été récompensés.

On sait déjà que le 50e festival de Carthage s'annonce des plus prometteurs puisque les chanteuses Adele et Shakira ont déjà confirmé leur venue pour l'été 2014.

Affaire à suivre donc...