Jeudi dernier, deux rappeurs ont été arrêtés au festival de Hammamet. La majorité des journalistes n'a pas pu se rendre sur place, le bus n'étant pas arrivé à temps. Simple contretemps ou volonté de tenir les journalistes loin d'un spectacle sulfureux?
Par Seif Eddine Yahia
Nous aurions souhaité parler aux lecteurs de ce que nous aurions pu voir à Hammamet, jeudi dernier, lors de la soirée rap organisée dans le cadre du festival de Hammamet. Nous aurions bien voulu faire découvrir au plus grand nombre une scène rap tunisienne qui ne cesse de se diversifier et de s'enrichir au fil des mois. Nous aurions voulu être présents afin de rendre compte en direct de l'arrestation de Weld El 15 et de Klay BBJ et ainsi poser un autre regard sur l'ensemble des évènements de cette soirée.
Malheureusement, la logistique du festival de Hammamet, qui tenait la route jusqu'ici, a été défaillante lors de cette soirée, en privant une dizaine de journalistes, tous médias confondus, de la possibilité de couvrir une des premières scènes de rap tunisien dans un festival international.
Pas de transport pour la soirée la plus polémique
Malgré ce qui avait été promis par les organisateurs, aucun moyen de locomotion n'a été mis à la disposition des journalistes pour leur permettre d'assister au spectacle, alors que tout avait correctement été mis en œuvre les soirs précédents.
Une demi-heure avant le début du concert, aucun bus n'avait été sorti du hangar, sous prétexte que les journalistes ne s'étaient pas tous préalablement présentés aux organisateurs. Notons que ce problème avait été relevé à pratiquement tous les concerts précédents lors du festival, mais que cela n'avait jamais empêché ou retardé l'envoi d'un bus pour les journalistes...
Maladresse ou boycott?
Alors pourquoi? Pourquoi ne pas avoir dépêché un bus à temps pour permettre aux journalistes d'assister au show?
Nous ne pouvons pas formuler de réponse formelle à cette interrogation, d'autant que la relation presse du festival n'a pas daigné expliquer les raisons de cette absence de transport aux journalistes présents le lendemain de l'incident, lors de la clôture du festival.
Ce problème peut être lié à une négligence, auquel cas, cela serait une preuve du manque de professionnalisme des membres de la logistique du festival puisqu'ils ne sont pas en mesure d'amener les journalistes sur place lors d'une des soirées les plus attendues du festival.
On peut toutefois pencher pour une autre explication en repensant à la programmation de cette soirée, ainsi qu'aux évènements consécutifs au concert des rappeurs (l'arrestation et le passage à tabac de deux des rappeurs programmés). Les organisateurs ont pu se douter que la venue de rappeurs aussi polémiques que Weld El 15 au festival n'allait pas se faire sans heurts. Ils ont pu également avoir des indices concernant la venue de policiers mécontents suite à la relaxe de celui qui les avait traités de chiens... Tout ce qui s'est passé ce jeudi suite au concert était prévisible, et avait peut-être été envisagé par les organisateurs du festival. Dès lors, le bus a pu être laissé au garage volontairement, histoire d'amener le moins de journalistes possible à une soirée qui avait toutes les chances de dégénérer.
Fathi Haddaoui, directeur du festival, au centre, lors du salut de la soirée de clôture, vendredi dernier, assuré par le spectacle musical "Al-Manara".
La confusion des explications avancées par la relation presse pendant que les journalistes attendaient le fameux bus et le silence assourdissant qui a fait suite à cette soirée ne peuvent que nous conforter dans cette hypothèse.
Si tel est le cas, ce n'est pas tant le fait de ne pas avoir prévu de bus pour les journalistes qui se révèle gênant, mais plutôt le fait d'avoir pris une dizaine de personnes en otage en ne les prévenant pas à temps. On aurait pu nous annoncer préalablement que la soirée présentait un risque et que les organisateurs ne souhaitaient pas nous y emmener. Chacun aurait alors pris ses dispositions pour venir ou non à cette soirée jugée risquée. Mais jusqu'au dernier moment, on a fait miroiter l'envoi d'un bus aux journalistes, en sachant pertinemment que celui-ci n'était pas parti et qu'il n'allait sûrement pas arriver. Si les organisateurs ne souhaitaient pas nous voir à cette soirée, c'était la manière la plus lâche et la moins élégante de nous le faire savoir.
Des explications sont attendues
En conclusion, plusieurs journalistes n'ont pas pu faire leur travail et faire état de ce qui s'est passé lors de la soirée la plus attendue et la plus polémique du festival de Hammamet.
Loin d'avoir subi des brutalités dans l'exercice de nos fonctions, nous avons été victimes soit d'une négligence de la part d'un festival qui se veut international et professionnel, soit de la lâcheté d'une partie de l'équipe du festival qui n'a pas osé nous annoncer clairement qu'elle ne prenait pas le risque d'emmener les journalistes à une soirée qui risquait de déraper.
Dans les deux cas de figure, le festival souffre une fois de plus des choix peu judicieux d'une partie de son staff. En tous cas, après la tournure que la soirée a prise ce jeudi 22 août (l'absence de la majorité des journalistes sur place, l'arrestation de deux artistes à leur sortie de scène, et leur possible passage à tabac) les organisateurs du festival seraient bien inspirés de fournir des explications pour dissiper le malaise créé par ce contretemps pour le moins regrettable.