A l'ouverture de la 2e édition du Festival International du Film des Droits de l'Homme (24 au 28 septembre dans le Grand Tunis), les droit humains ont été vraiment de la fête.
Par Samantha Ben-Rehouma
Pour sa propose 2e édition, le festival propose 35 films, courts et longs métrages, documentaires et films d'animation. Cette manifestation a été créée sur la base de deux constats: l'audiovisuel comme outil (le plus efficace) pour sensibiliser le plus grand nombre aux droits humains, et la défense des droits de l'Homme dans le monde... Et si on commençait d'abord ici chez nous?
Pour ceux qui ne le savent pas encore, la Tunisie est sous les feux de la rampe chaque jour sur Canal+ à 12H30 dans ''La Nouvelle Edition'' qui y consacre une série de documentaires avec l'humour décalé d'Ariel Wizman. Le ton léger de cette série fait ressortir tous les sujets tabous du moment : j'ai nommé, la répression et la censure qui ont si bien voilé l'atmosphère «jasminesque» qu'il ne fait pas bon d'être un jeune à moins bien-sûr que ce dernier ait la fleur au fusil direction Syrie !
Sale temps pour les artistes!
5 chefs d'accusation : association de malfaiteurs, traffic de drogues, consommation de substances illicites, proxénétisme et prostitution. Si on suit le code pénal tunisien, c'est 20 ans d'emprisonnement pour Nejib Abidi, Yahya Dridi, Abdallah Yahya, Slim Abida, Mahmoud Ayed, Skander Ben Abid et les deux étudiantes présentes le fameux soir de la «rafle» !
Une manifestation pour la liberté d'expression à la salle Le Colisée.
Entre-temps avait lieu, avant-hier soir, au Colisée, la première du Festival International du film des Droits de l'Homme... Et ironie du sort, le film projeté pour l'ouverture est le documentaire consacré à Chokri Belaid, ''Heureux, le martyr'', dont certains des auteurs font partie des artistes arrêtés samedi à 4 heures du matin.
Elyes Baccar – en sa qualité de directeur de la 2e édition de ce Festival – est, comme qui dirait, tombé des nues en apprenant par un membre de la famille des «suspects» qu'il n'y avait pas qu'Abdallah Yahia en prison. Seriously?...
A la question «Comptes-tu dire un mot lors de ton speech pour les 8 incarcérés?», il répond: «Ben non, c'est pas prévu. C'est une présentation officielle et il faut que cela reste dans les formes». Dans les formes? Oui mais le fond c'est tout de même les Droits de l'Homme? La trame des films qui vont être projetés n'est-elle pas le bafouage desdits droits? Faut-il rester hors-champs pour rester dans le politiquement correct quand l'actualité est aussi explosive que la «Fouchik Night Party» qui inquiète tant les citoyens? Cynisme ou politique de l'autruche ? Le doute subsiste encore à l'écoute de son discours... en arabe littéraire (excusez du peu !) parlant du droit d'expression, de la censure... Bref, des soi-disant droits de l'Homme.
Le Bardo au Colisée
D'autre part, le Colisée – qui avait pris des allures de Festival de Cannes par les invités venus sur leur 31 et avec un service d'ordre digne du G20 – s'est vite transformé en manif du 6 août au Bardo lorsque les portes du Colisée se sont ouvertes. Les jeunes étaient venus en masse pour contester ledit Festival et réclamer ainsi la libération de tous les artistes emprisonnés et le départ des Nahdhaouis avec en lice... la tête «d'œuf» Mehdi Mabrouk (ministre de la Culture, NDLR)!
L'avocate Leila Ben Debba a aussi manifesté son mécontentement lors de ce festival.
«Libérez les artistes. Arrêtez les terroristes!»; «Libérez les artistes. Arrêtez les Khwenjiya»; «Ennahdha Dégage»; «Free les artistes !»; «La liberté jusqu'à ce que le régime tombe !»... Un florilège de slogans des soirées les plus chaudes du Bardo!
Dans la salle, une jeune fille très remontée scande «Free Yahya» et «Free Nejib», ce à quoi Elyes Baccar, qui a cru bon de rebondir en plaisantant «Free Jabeur? Peut-être.»
C'est hallucinant de la part d'un homme qui représente le Festival du film des Droits de l'Homme de «rire» sur un sujet qu'il défend!!
Qui a parlé des droits de l'homme?
A l'heure actuelle, plus aucune critique n'émane sur les droits de l'homme, ces derniers sont devenus le dogme le plus intouchable. Il suffit de voir ce qui se passe dans le monde pour réaliser que chaque intervention militaire (Irak, Mali, Syrie) se fait au nom des Droits de l'Homme.
Défendre ce système inhumain d'exploitation de l'homme par l'homme responsable de millions de morts dans ses guerres pour s'ouvrir des marchés ou voler les ressources d'autres pays capitalistes plus faibles, défendre l'esclavage et toutes les inégalités salariales, raciales et autres... Donc, défendre les droits de l'homme c'est défendre l'injustice... Et en Tunisie, on pourra faire toutes les manifestations possibles et imaginables pour dénoncer le non-respect des droits de l'Homme, rien n'y fera tant que Vox Populi se taira!