Par Jamel Heni
‘‘Docs à Tunis’’ (1er–4 avril) souffle sa cinquième bougie. Meilleurs vœux. Joyeuses images. Une occasion de nous interroger, nous autres critiques, sur les docs à la télé. Pourquoi pas assez et pourquoi seulement des animaliers ou presque ? Une affaire d’offre et demande, semble-t-il. Tout simplement. Une offre inexistante pour une demande aucune !
Le cinéma tunisien avançait dès le départ sur un pied, un seul: la fiction. Il préférait, c’est bien le cas de le dire, claudiquer, et rarement poser l’autre pied: le documentaire. Ce n’était pas faute d’avoir appris la beauté et la nécessité du doc comme genre majeur du cinéma. Nos cinéastes s’y étaient sûrement formés, en avaient tourné, du moins à titre pédagogique. Ils en savent tous la splendeur d’une écriture et d’une réalisation à la fois naturaliste et allégorique. Les raisons de leur désintérêt sont probablement ailleurs. Nous en retenons, pour le coup, l’absence cruelle de demande. Ni les producteurs ni la télé n’en paraissaient, n’en semblent friands.
Pas plus que les deux chaînes nationales, l’audiovisuel privé ne rediffuse que rarement, fort rarement des docs. Ce qu’on a convenu d’appeler le «footite» (addiction audiovisuelle au foot), le dispute aux «égypteries» et plus récemment aux turqueries les plus mielleuses. Des musicales et des concerts battus et rebattus viennent branler ce long fleuve tranquille.
Le peu de documentaires qui échappent à cette idéologie du divertissement obligé relèvent le plus souvent du registre animalier. Entre autres qualités, sans l’ombre d’une vie humaine ! Ce n’est pas par hasard et ce n’est vraisemblablement pas parce que les animaliers sont moins chers ou plus intéressants... Non. C’est, pense-t-on, que ce genre, attachant et bien tourné pourtant, ne soumets à aucune réfutation éditoriale. Passe partout. Satisfait tout le monde, petits et grands, médecin, ménagère, progressiste, réac, musicien, hooligans...
Et nos télés semblent en avoir de la suite dans les idées. Vraiment. Si divertissants soient-ils, les docs n’en interrogent pas moins, dépoussièrent, mènent l’enquête, épinglent, révèlent, poussent le bouchon, lèvent un coin du voile, remuent la plaie, opposent les versions, restituent les faits... Ils aiguisent la curiosité, animent le débat et secouent les torpeurs. Ils sont pour ainsi dire subversifs et récalcitrants à l’idéologie du divertissement obligé, celle-là même qui nous suppose une idiotie congénitale aux fins d'imposer ses idioties consternantes. Or, non seulement nous payons notre redevance, mais aussi nous voulons des documentaires à la télé !