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La galerie Ammar Farhat de Sidi Bou Saïd expose du 6 au 24 octobre les œuvres récentes du peintre Ali Tnani. Un univers tout en lignes et en espaces dégageant une intense lumière.

Par Zohra Abid

Un jeune artiste à découvrir avec son monde sillonné par un stylo ou un crayon et inondé d'une lumière intense, puissante, qui ressort d'un noir profond ou d'un gris saupoudré. Les petits et grands formats exposés à Sidi Bou Saïd en disent long sur la fascination de la lumière qui semble hanter cet artiste.

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«Le sarment de vigne carbonisé dégage naturellement le gris le plus soutenu, de la poussière d'ardoise ne peut émaner à l'évidence.»

Ali Tnani, qui vit entre Tunis et Paris, expose pour la première fois à la galerie Ammar Farhat. C'est sa 2e exposition personnelle dans son pays natal.
Dimanche 6 octobre, le tout Tunis artistique (ou presque) était présent au vernissage de cette exposition intitulée ''Contre Espace'' ou encore "Les dessins aspirés ou les contre-tableaux", comme aime la nommer, Nadia Jelassi, artiste et enseignante à l'Isbat.

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Ali Tnani a brisé la solitude de l'artiste africain en allant chercher son inspiration en Europe.

Un trait fort et des lignes de lumière

Dans les différents formats de Tnani, trois pigments se dégagent. Selon Nadia Jelassi, le noir de vigne, l'ocre grise et le gris ardoise. «Chaque poudre apportant son éventail de valeurs, le sarment de vigne carbonisé dégage naturellement le gris le plus soutenu, de la poussière d'ardoise ne peut émaner à l'évidence, qu'un faible pouvoir couvrant. Le travail de prégnance peut maintenant commencer», note Nadia Jelassi, en soulignant la jubilation qu'éprouve l'artiste à étaler ses pigments et ses lignes pour éveiller le papier à sa blancheur essentielle. Et pas n'importe quel papier. Il s'agit ici du papier de dessin Fabriano Accademia à base de cellulose, sans lignine et sans acide, que le collage en masse et en surface rend résistant aux gommages répétés.

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Aïcha Gorgi aux petits soins du jeune artiste et de son public.

«Ali Tnani appose des lignes droites au crayon de couleur. Horizontales, verticales ou obliques, celle-ci parcourent, franchissent les blancs, maillent l'ensemble. Libres de toutes les figures antérieures, selon le choix opéré, ces lignes se frôlent, se croisent, convergent, divergent et parfois font géométriquement figures ou pour être plus précis se construisent en architecture», explique encore Nadia Jelassi.

«Mon environnement fait mon travail»

Ali Tnani est l'enfant de son époque et c'est l'environnement qui façonne son travail. «Je vis à Paris, mais je me rends souvent à Berlin et à Bruxelles et c'est l'environnement de ces 3 villes qui façonne mon travail. Mes travaux sont d'une certaine manière contextuels», explique, de son côté, le jeune artiste multimédia qui affectionne le dessin, la photo, l'installation sonore : un univers très contemporain.

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Le noir de vigne, l'ocre grise et le gris ardoise.

Après ses études universitaires en beaux arts en Tunisie, Ali Tnani s'est envolé à Paris où il s'est frotté aux créations de grands artistes. «En 2009, grâce à la carte Compétence et Talent – délivrée par l'Institut français de Tunis pour une durée de 6 ans et renouvelable chaque 3 ans – j'ai pu acquérir de nouvelles expériences et enrichir celles déjà acquises en Tunisie», raconte Ali Tnani. Selon lui, il y a encore un problème en Tunisie, au Maghreb ou en Afrique en général : l'art contemporain ne s'y épanouit pas comme ailleurs dans le monde. Et pour cause : «Le problème réside dans la libre circulation, car pour évoluer, il faut confronter son travail à celui des autres, apprendre de ces confrontations et découvrir de nouvelles approches ou orientations possibles», explique Ali Tnani, qui a pu, lui, briser cet isolement. «

Aujourd'hui, après plus de 3 ans d'expérience européenne, je me sens vivre dans mon époque et évoluer dans un cadre complètement contemporain que j'affectionne. Il ne faut pas oublier qu'à la fac, ici en Tunisie, j'ai eu de la chance d'avoir d'excellents professeurs en arts contemporains», dit-il, comme pour reconnaître son dû à ceux qui lui ont fait découvrir les mille et une possibilités de l'art contemporain.

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Aicha Filali va exposer très prochainement à la galerie Ammar Farhat. 

De l'art multidisciplinaire

Ali Tnani peut aujourd'hui être fier d'avoir fait un petit bout de chemin en Europe. Son travail a été publié dans la revue ''Musiques & cultures digitales, Digitale Afrique'' de 2013, ainsi que dans le catalogue ''Art Tunis/Paris'', édition du Musée Montparnasse (France 2011). En 2013, il est proposé pour le Prix Pictet de la photographie et il obtient la Bourse du Fonds Arabe pour la Culture et les Arts. Et ce n'est pas fini. Car Ali Tnani produit aujourd'hui des installations multimédia avec le musicien et artiste sonore Lukas Truniger et en 2014, tous deux prendront part à la 5e Biennale de Marrakech (Maroc).

La galeriste (et critique d'art) Aïcha Gorgi connaît l'artiste depuis qu'il était étudiant. Elle a découvert son travail à son atelier à la Marsa. Mais aussi lors de son exposition personnelle, il y a 2 ou 3 ans, et elle a adoré ce qu'il fait sur du papier. «Il y a de la sensualité sur le papier. En quelques traits, tout est dit. L'artiste parle du reste ou du contre-reste. Chacun peut marquer son espace sensuel, auditif, plastique et autres et on laisse toujours de côté autre chose. Lui, il arrive à mettre l'essentiel dans son oeuvre, pas un étage de plus, pas un mot de plus et tout est là», dit-elle.

Aïcha Gorgi semble désormais s'orienter vers les expositions personnelles. «Dans 3 mois, on accueillera Meryem Bouderbala, ensuite Wassim Ghezal, puis Aïcha Filali», promet-elle. La raison de ce choix, c'est que «dans l'exposition personnelle, on comprend mieux l'univers de chaque artiste, sa démarche, sa technique, son univers plastique et onirique. L'art contemporain doit trouver sa place dans nos murs à travers les apports de ses principaux représentants. Nous essayons d'y aider». Car, et Aïcha Gorgi en est convaincue, le public tunisien a aujourd'hui «la maturité nécessaire pour comprendre la multitude d'expressions de l'art contemporain».