L’Institut national du patrimoine (Inp) poursuit le vaste chantier de mise en valeur du site antique préromain d’Althiburos, l’actuelle El Médéina, près de Dahmani, nord-ouest de la Tunisie.
Les travaux sur ce site, assez méconnu mais riche en vestiges de grande valeur archéologique, sont menés en étroite collaboration avec des partenaires espagnols et italiens. Les projets espagnol et italien, lancés respectivement en 2006 et 2007, se poursuivront jusqu’en 2012 et 2013.
Au 19e siècle, on ignorait tout du site antique d’Althiburos, l’actuelle El Médéina (diminutif du mot arabe médina), à part le fait qu’il fut exploré pour la première fois en 1848.
Niché au nord-ouest de la Tunisie, dans le gouvernorat du Kef, et plus exactement dans la délégation de Dahmani, il a été identifié en 1874, et localisé sur le terrain une année plus tard grâce à une inscription néo-punique mentionnant Baal Hammon d’Althiburos. S’ensuivirent les premières campagnes de fouilles en 1895.
Le centre monumental de la ville
L’ensemble de l’activité archéologique menée par la suite a permis de dégager le centre monumental de la ville: le forum, son portique, ses abords, le capitole, un temple tétrastyle, l’arc d’Hadrien, une fontaine monumentale, une maison appelée «aux seize bases» ornée de reliefs, la maison des muses, l’édifice des Asclépieia où fut découverte la fameuse mosaïque de batellerie romaine, la maison de la pêche à deux étages avec une belle mosaïque du Dieu Océan, (lesquelles sont exposées au musée du Bardo), un théâtre et une série de mausolées aux limites du site.
Plan d’Althiburos reconstitué par des archéologues espagnols.
Depuis le début de ce siècle, l’effort de quadriller, piocher, bêcher, trier, collecter et inventorier, ainsi que le désir de savoir et de connaissance, est encore plus poussé, pour faire le point sur une cité au long passé préromain dont témoignent son nom libyque, son hypogée et les nombreuses stèles néo-puniques révélant l’existence du Tophet de Baal Hammon, une cité sufétale à l’instar de la cité punique de Carthage.
Depuis 2006, cette cité, qui fut pour longtemps auréolée de mystère, connaît un vaste chantier d’investigation mené par l’Inp de Tunis, en étroite collaboration avec des partenaires espagnols et italiens, dans le cadre d’accords de coopération dans les domaines de la recherche scientifique et de la mise en valeur.
L’ensemble de ces projets est conçu comme une sorte d’école-laboratoire par l’association de plusieurs intervenants de l’Inp surtout des jeunes, parmi les chercheurs, architectes, ingénieurs et topographes, ainsi que des universitaires, doctorants et étudiants en licence bénéficiant de stages de recherches à Barcelone ou à Rome.
L’apport des chercheurs espagnols
C’est en 2006 qu’a débuté le premier projet de coopération avec l’Université de Barcelone impliquant plusieurs institutions de Catalogne et d’Espagne.
Ce projet, qui a pour thème : «L’évolution sociale et formation de l’Etat numide: les populations autochtones de la région Sicca Veneria (Le Kef) et ses rapports avec la civilisation phénico-punique», a été renouvelé en 2009 pour trois ans supplémentaires. Il se poursuivra donc jusqu’en 2012.
Archéologues tunisiens et italiens de l'Université de Macerata sur le site d'Althiburos.
Le projet consiste à approfondir la connaissance des sociétés autochtones préromaines de la région et d’appréhender les processus de mutations socioculturelles.
De ce fait, le projet comprend deux volets: fouilles et prospection. Les résultats obtenus jusque-là révèlent que la présence humaine sur ce site remonte au 9e siècle avant J.-C. avec une économie vivrière (céréales, arbres fruitiers, élevage de porcs et de chevaux) et une activité artisanale (poterie et travail de métal).
Les nombreux procédés d’investigation mis en œuvre (zoo-archéologie, anthropologie physique et céramologie) ont permis de dégager une grande richesse de céramique faisant un faciès particulier et propre à cette ville.
Dans ce sens, la céramique numide identifiée constitue, pour l’Inp, un résultat de grande importance pour connaître la production artisanale et l’économie des Numides althiburitains et des numides en général.
Outre le volet recherche, le projet comprend un volet de mise en valeur qui a consisté d’abord en la mise en place d’une station de panneaux signalétiques en plus d’une présentation sommaire en audio, actionnée par l’énergie solaire.
Et des italiens…
Signé en 2007 avec l’Université de Macerata et impliquant aussi l’université de Bari, en Italie, le deuxième projet porte sur l’étude et l’anastylose du théâtre, avec un plan d’intervention en trois volets: le relevé topographique et architectural, le catalogage des blocs écroulés et la fouille de l’intérieur du théâtre. Les résultats des trois campagnes déjà réalisées ont permis notamment de dégager des gradins en bon état de conservation.
Outre sa mise en valeur, le projet vise surtout la restauration du théâtre de manière à ce qu’on puisse y organiser ultérieurement des manifestations culturelles.
Le troisième projet porte sur le Tophet-sanctuaire de Baal Hammon-Saturne. Signé avec l’Institut de la civilisation italienne et de la Méditerranée antique (Iscima), ce projet a été renouvelé en 2010 pour trois ans encore. Se poursuivant donc jusqu’en 2013, il consiste dans la fouille du Tophet, l’étude, la «muséalisation» et la mise en valeur, avec l’apport de spécialistes dans ce domaine.
La localisation de ce Tophet était inconnue jusqu’en 2006 lorsque les chercheurs ont découvert 10 nouvelles stèles de Baal Hammon et une autre de saturne avec une riche iconographie spécifique (signe dit de Tanit, caducée sphinx dauphins) ainsi que des urnes funéraires.
L’action est menée actuellement au niveau de l’analyse des ossements des urnes et de leur contenu par une approche anthropologique zoo-archéologique et carpologique.
La réflexion portera par la suite sur la présentation du Tophet au moyen de la monumentalisation et «muséalisation» à la fois virtuelles et matérielles du sanctuaire.
Kapitalis (avec Tap).