En cette fin d'année, la galerie Cherif Fine Art à Sidi Bou Saïd nous réserve des surprises agréables et de haut vol. Une exposition de tableaux de maitres qui ont marqué la peinture tunisienne, du début du XXe siècle à nos jours.
Par Anouar Hnaïne
Comme en pareille période de chaque année, Hamadi Cherif, gérant de la galerie, expose une série de peintures modernes. Les grands artistes s'y côtoient sans se pousser du coude.
Plus d'une soixantaine de tableaux sur les deux étages de la galerie, signés par les plus prestigieux artistes connus, du moins croit-on les connaître.
Beaucoup de formats moyens, des aquarelles, des techniques mixtes et surtout des peintures à l'huile, technique fort usitée alors.
Des paysages, des portraits, des marines, pas d'abstraction ni d'art contemporain.
''Lamine Bey'' de Nouredine Khayachi.
Un seul tableau de Noureddine Khayachi, ''Lamine Bey'', huile sur toile (90X70). Les détails du costume officiels, les décorations à profusion, visage nourri par de grandes moustaches et barbe blanches, regard droit, fond brun, bistre du tableau. Le même Bey, peu de mois avant sa destitution, peint par Hédi Turki, costume blanc croisé, une médaille au milieu et un halo autour de sa tête.
De Aly Ben Salem, on admirera 16 tableaux de format moyen, des portraits en peinture sur verre qu'il a fréquemment expérimenté dans les années 30. Evidemment, il y a toujours des femmes, ''Les Sirènes'', ''Femme au deux gazelles'', etc.
''Une femme au collier blanc'' (56x96 cm, huile sur carton) synthétise le travail de cette période : cheveux en boucles, visage angélique, une touche rose sans contours marque les lèvres, des fleurs autour du cou.
"Femme au collier" de Aly ben Salem.
L'actuel ambassadeur d'Espagne ne s'est pas trompé en comparant les œuvres de cette période à celles de Picasso.
Parmi les figures, on trouve Jalel Ben Abdallah. Une admirable miniature, appelée ''L'Attente'' (7x8 cm), technique mixte, montre l'hésitation dans l'exécution des traits, crayon et gouache. Une ''Nature morte'' (98x68 cm) en technique mixte où l'on voit la maîtrise du peintre, des rougets et un poulpe, une cruche déposés sur une table basse. Les lignes sont nettes, la couleur à dominante bleue, les carrelages finement reproduits.
Un style, une atmosphère. On découvrira les œuvres de Gaetan Mifsud, un peintre qui a fait partie de l'Ecole de Tunis, des huiles dont le ''Liberty'' (47x58 cm), huile sur toile qui représente le bateau américain venu au port de la Goulette juste après guerre, coque blanche, fumée et ciel bleuté, ''Les cabanes de Sidi Bou Saïd'' où l'on distingue la porte du Palais d'Erlanger donnant sur la mer, jardin fleuri et eaux calmes.
Une dizaine d'œuvres de Sergio Telles, l'ancien ambassadeur du Brésil, peintre prolifique où l'on admirera une expression tourmentée, une matérialité des couleurs, reliefs et vie, ici un une foule de silhouettes, une bousculade, couleurs vives, les lumières de Djerba, l'inévitable Sidi Bou Saïd, son atelier.
''Les chevaux'' de Habib Bouabana.
Une toile de Habib Bouabana, de grande dimension (200X150 cm), intitulée ''Les chevaux'', le peintre «de la marge», a peu peint des toiles de ce genre, large brosse, les corps informes de trois ou quatre chevaux, un jet de couleurs rouge traverse la toile en largeur, et le brun qui qualifie l'art de Bouabana, du grand Bouabana.
Et, l'on continue à rencontrer d'autres œuvres telle cette ''Medina'' de Mahmoud Sehili, couleurs terreuse, ombres et lumières, interstices et touches larges. Un ''Chanteur naval'' de Gilbert Naccache, des aquarelles de Victor Sarfati, un artiste de passage E. W. Brand qui peint la palmeraie de ''Nefta'', Lazare Levy, ''Kairouan'', un ''Allaitement'' de Max Moreau, douceur des courbes, une chaire en pâte, douceur et émotion. Tristesse et bonheur. Un marché de fin d'année? En partie, mais c'est d'abord et surtout une découverte d'œuvres qu'on rencontre rarement.
L'exposition se poursuit jusqu'au 25 janvier.
