L'Italie rend hommage à la Constitution tunisienne par un concert de bel canto, le meilleur de la musique et du chant porté par des voix inimitables de force et de douceur.
Par Anouar Hnaïne
Avril 2011, à l'Acropolium de Carthage: le Centre culturel italien marque sa solidarité avec la révolution en organisant une soirée dédiée à l'amitié tuniso-italienne, des chanteurs d'opéra italiens et tunisiens en spectacle et public nombreux. Merveilleuse entente, le chant en partage.
Mardi 18 février 2014, au Théâtre municipal de Tunis: le Centre culturel italien récidive et rend hommage à l'adoption de la Constitution tunisienne. Par un alléchant programme intitulé bel canto, déclinée sous la forme de chants lyriques, de chansons siciliennes, napolitaines et tunisiennes.
Chiara Guidice, soprano, et David Sotgiu, ténor, sont venus d'Italie pour participer à la fête. Célèbres, ils se produisent ensemble sur les scènes internationales depuis fort longtemps. Leur répertoire va de Puccini à Verdi, de De Capua à F. Lehar, etc. Nous les avions déjà vus et écouté avec un plaisir et sans réserve à l'église Saint-Augustin et Saint Fidèle de la Goulette (petite Sicile).
Ravi de revenir chanter, Sotgiu nous dit «aimer être en Tunisie», où il trouve «un public attentif». «De plus, il me semble que nous nous entendons bien entre Tunisiens et Italiens», ajoute-t-il. Mais place au spectacle...
Chiara Guidice, longue robe rouge satin, plissé, ouvre le bal, ''Donde Lieta'', tiré de ''La Bohême'' de Puccini. Alia Sellami affronte le public, les yeux au ciel, ''Nebbi'' de Respighi, David Sotgiu, en costume noir des cène, prend la relève ''Pourquoi me réveiller'', bonne bouille, grave, il chante: ''Pourquoi me réveiller'', chant triste extrait de ''Werther'' de Goethe, mis en musique par J. Massenet. Gestes lents, langueur et pathos.
Retour de Alia Sellami: elle entame ''Vissi d'arte'', un extrait de ''Tosca'' de Puccini, thème à forte carrure romantique, chanté par les grandes cantatrices. Elle est en verve, habitée par le personnage, tragique. Elle souffle; elle souffre, tantôt poitrinaire tantôt gutturale; elle lève les bras, en état de prière, lenteur et larmes ''O Dio'', admirable, lancinant.
Ce n'est pas du chant, c'est de la souffrance. Emu le public compatit, une inclination, un gémissement suivi. ''Vissi d'arte, vissi d'amore'', je vis pour l'art, je vis pour l'amour, ça sonne juste. Touchant! Un tonnerre d'applaudissements.
Alia reprend des chansons siciliennes, puis un air du folklore keffois, rythmé comme une tarentelle, suit ''Leila's Song'', chanson du film ''El Kotbia'' de Naoufel Saheb Ettabâa, doucereuse, romantique, mouvement lents des violons, parenté visible avec les airs de Faïrouz. Le public aime et le fait sentir.
Le duo Guidice/Sotgiu réapparait, jeux insouciants, la pianiste Toyoko Azaïez, épatante à tous point de vue qui, tout au long du spectacle, accompagne les chanteurs, attaque les premières notes, le public réagit, silence, les deux tourtereaux, partent dans le ciel et s'échangent les réparties : ''Il sole mio''. Touchant !
Les trois chanteurs terminent par ''Brindisi'', extrait de la ''Traviata'' (G. Verdi) et pour finir l'hymne national italien suivi du tunisien version Alia. Une pluie de petites drapeaux des deux pays tombent du ciel et sonnent la fin. Bouquet de fleurs et ovation soutenue.
Illustration: De gauche à droite, la pianiste Toyoko Azaiez, le soprano Chiara Giudice, le ténor David Sotgiu et le soprano Alia Sellami.