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A l'approche des festivals, la grogne s'amplifie du côté des organisateurs de spectacles qui demandent leur part du gâteau et commencent à s'agiter.

Par Zohra Abid

Ces chers organisateurs de spectacles n'iront certainement pas jusqu'aux perturbations, mais ils posent des questions aux directeurs des festivals et les interpellent sur leurs critères de choix des spectacles et méthodes de gestion. Sonia Mbarek, directrice du 50e Festival international de Carthage, devrait y répondre, lors de sa conférence de presse, prévue le jeudi 19 juin 2014 à l'amphithéâtre romain.

Pratiques douteuses et silence complice 

Les organisateurs de spectacles se disent mécontents et déçus des «pratiques» de la direction du 50e Festival de Carthage et du «silence complice» de Mourad Sakli, ministre de la Culture. Ils ont donc décidé de crier leur colère via les médias.

Car, après avoir remis – en bonne et due forme et selon les exigences des appels d'offres rendus publics en janvier et mars 2014, assurent-ils – la liste des artistes qu'ils proposent à la direction du 50e festival, les organisateurs de spectacles ont «été doublés» sur la dernière ligne et se sont retrouvés carrément «hors-jeu».

C'est, en tout cas, ce qu'a déclaré, lors d'une conférence de presse, mardi 10 juin à Tunis, Ezzeddine Beji, président de la Chambre syndicale des organisateurs de spectacles relevant de l'Utica (centrale patronale). Ce dernier a, au nom de ses collègues, reproché au ministère de tutelle le manque de transparence dans la gestion des festivals, notamment les deux plus importants, ceux de Hammamet et de Carthage.

La transparence en question

Selon M. Beji, les jeux sont déjà faits, le programme ficelé et la ceinture bouclée pour cette année, mais il faut que tout le monde sache ce qui se trame dans les rouages du ministère de la Culture. «Au départ, on était les premiers à nous féliciter d'avoir enfin un homme du domaine à la tête de notre ministère. Quelques semaines après, notre déception fut grande. Le copinage est réapparu, comme s'il n'y avait pas eu de révolution dans le pays», a-t-il accusé. Et d'enchaîner: «Vous n'avez pas idée de ce qui se passe. A titre d'exemple, Radhi Sioud, le neveu du ministre, est le premier servi. Son agenda est plein, les amis du ministre aussi».

Ezzeddine-Beji

Riadh Aïssa s'insurge: «Nous sommes doublés et mis hors-jeu.»

A propos de cette accusation, M. Sakli, qui était directeur de la précédente session du Festival de Carthage, a dû répondre il y a déjà un an. «S'il y a un autre artiste plus compétent que Radhi Sioud dans le domaine de l'habillage de la scène et des effets lumineux, qu'il se présente et je suis preneur», avait-il alors lancé à ses accusateurs, avant d'ajouter que «Radhi Sioud est parmi les meilleurs professionnels de ce secteur non seulement en Tunisie mais dans le monde, et là où il va, il s'impose par la qualité de son travail.»

Soit... Mais cela ne semble pas convaincre Ezzeddine Béji et ses collègues. Pour eux, le problème réside dans le fait que les règles du jeu ne sont pas connus et changent tout le temps. «Si seulement il y avait un cahier des charges, nous serions les premiers à le respecter. Nous l'achèterons à 50 ou 100 dinars et nous suivrons la réglementation à la lettre. Mais en l'absence de ce cahier des charges, le dernier mot revient forcément à la direction du festival, qui n'a même pas à justifier ses choix. Ce festival aurait dû être indépendant du ministère. Il devrait devenir autonome et gérer son propre budget avec seulement une subvention de l'Etat», a proposé l'organisateur de spectacles.

Sonia M'Barek a toujours affirmé, à ce sujet, avoir déjà prévu l'élaboration d'un cahier des charges. Selon nos sources, un forum sera organisé à cet effet qui réunira tous les acteurs concernés pour qu'ils se mettent d'accord sur un certain nombre de points. Mais ce ne sera pas avant la fin de l'été. Car, elle ne peut pas tout faire à la fois. Elle promet cependant qu'après les festivals, aucun acteur de la scène ne sera exclu et tout sera organisé dans la transparence la plus absolue. Quant à l'indépendance du festival, M. Sakli a déjà défendu cette idée dans des déclarations aux médias. Il va donc falloir qu'il passe des paroles aux actes.

Qui remboursera les frais?

Reste que les organisateurs de spectacles ont des problèmes urgents et ne voient pas que leurs soucis sont pris en considération par la tutelle et par la directrice du Festival de Carthage. «Nous respectons la chanteuse et l'universitaire, mais nous doutons de ses compétences, car elle n'est pas du domaine et n'a rien à voir avec l'organisation des festivals», dit M. Béji.

«Nous avons entamé nos contacts. Nous avons même effectué des voyages pour des rencontres et des négociations à l'étranger. Et aujourd'hui, on est écarté de la scène et mis quasiment au chômage. Qui va nous payer les frais avancés? Le pire c'est que la direction du festival a contacté les artistes avec lesquels nous étions en contact et ont signé des contrats dans notre dos», s'indigne encore M. Béji. D'autant que, selon lui, la manoeuvre n'a pas abouti au résultat escompté.

«Notre surprise fut grande en découvrant que le ministère va payer plus cher les spectacles. Car nous avons discuté en direct avec les artistes pour avoir le prix le plus bas. Mais la direction du festival a préféré nous doubler pour passer par les imprésarios. Ces derniers se sont montrés gourmands. Résultat: les spectacles seront au moins 25% plus chers», insiste M. Béji.

Selon lui, les spectacles de Nancy Ajram, Cheb Mami, Diana Haddad, Wael Jassar et Marwan Khouri ont été négociés par les organisateurs à un prix convenable. Mais au final, ils coûteront les yeux de la tête au contribuable tunisien.

«Nous avons été manipulés et escroqués par la direction du festival de Carthage et par notre ministère», a conclu M. Béji.

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