Yanni est un phénomène, son nom attire les fans du monde entier, par millions, qu'on l'adore ou qu'il agace, c'est définitivement admis, il est une icône universelle.
Par Anouar Hnaïne
Annoncé à grands fracas, il devait monter sur scène mardi 22 juillet 2014, pour une seule représentation qui faisait du bruit sans cesse grandissant. Billets épuisés avant terme et rumeurs de vente au marché noir.
Combattre les ténèbres
Surprise, les organisateurs du Festival de Carthage programment une deuxième soirée, le lundi 21 juillet, financée par le ministère du Tourisme, qui met sa main à la poche et offre un budget conséquent. Geste généreux, lequel au passage aurait eu plus de consistance, si les responsables avaient invité des tours opérateurs influents, de façon à leur montrer que le terrorisme en Tunisie est également combattu par la joie et la volonté de vivre.
Une chanteuse entre par le côté droit, voix caverneuse, démultipliée par les sons des violons.
Le public amateur est ravi, billets disponibles, guichets ouverts des heures à l'avance. Dès la rupture du jeûne, même avant, nous confie un policier, les spectateurs arrivaient par paquets, c'est dire la notoriété qui accompagne Yanni.
L'amphithéâtre est archiplein, à majorité jeune, cela va de soi, une forêt d'appareils photos, des dizaines de journalistes, caméras au poing à l'affût d'une déclaration.
Le spectacle commence avec superbe: sur un écran au dessus de la scène figure le drapeau palestinien en honneur aux 600 victimes de Gaza. Plus tard, sur le même écran, le drapeau national aimante les regards et l'attention, tout le monde debout, on entonne l'hymne national, pas une tête qui penche. Sûr, la vie, l'art sont les meilleurs moyens de combattre les ténèbres. Place à Yanni.
Un public des grandes soirées, acquis d'avance.
Grosses machinerie, percussions diverses, violons, violoncelles, une chanteuse entre par le côté droit, voix caverneuse, démultipliée par les sons des violons, des projecteurs énormes, en tous sens, Yanni entre en scène barbe et cheveux au vent, vêtu de blanc, longue ovation, mots de bienvenue, c'est sa première apparition en terre d'Afrique, nous annonce-t-on.
Ballades éthérées, des solos langoureux
Les bras en croix, «Je vous aime», il tend ses mains aux heureux invités d'honneur, clameurs d'admiration. La mécanique sur scène est impressionnante, jeux de lumières, ombres et clarté, on s'y perd un peu, le héros embrasse son clavier. Notes amplifiées, gestes exagérés, les violons en musique de fond, Yanni lève les bras, un tonnerre d'applaudissements. Un morceau de violon, musique tzigane ou proche, pizzicatos répétés, grossis par les percussions, emphatique! Yanni saute sur le piano, qui explose de sonorités caverneuses, il y a une atmosphère de Carmina Burana (Carl Orff) dans l'aspect somptueux, pontifiant de la musique, un peu de Genesis dans les arrangements de violons et de violoncelles, une musique de paix que Yanni chante par-dessus les toits du monde. Une musique qui n'a rien de contestataire, très consensuelle à notre sens, amour du prochain, béatitude devant la nature et des sentiments partagés. L'époque, il faut croire est consensuelle.
Une pensée pour les 600 victimes palestiniennes à Gaza: le drapeau palestinien hissé à Carthage.
Ça plait, d'autant qu'il y a une mise en scène extraordinaire, des lumières qui balaient l'ensemble du public, montent pour déchirer la noirceur du ciel, elles sont tantôt blanches et poudreuses, tantôt bleues, ou jaunes; ça nous rappelle évidemment les spectacles de Jean Michel Jarre.
Encore des mots d'amour pour les Tunisiens, encore les lancinantes envolées des violons, la trompette entre en jeu, des rêves, des ballades éthérées, des solos langoureux, bien faits, bien exécutés. Des appels du pied au public qui réagit avec enthousiasme. Applaudissements sans fin.
Mourad Sakli, ministre et musicologue, à qui nous donnons notre avis sur le spectacle, répond : «Vous avez raison mais en plus de la poudre au yeux que vous évoquez, il y a un fond une base de recherche...». Soit !
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