Touati crie à gorge déployée, parfois avec une énergie désespérée. Le public sourit, à peine. Le rire franc long et bruyant se fait attendre. On applaudit malgré tout...

Par Anouar Hnaïne

Kamel Touati était attendu avec de bonnes intentions par un public venu relativement nombreux pour se payer une bonne tranche de rire. Inutile d'ajouter que le comédien se passe de publicité, encore moins de notoriété; il fait partie des grands acteurs qui remplissent la petite lucarne. Bref, c'est un personnage qui fait partie de la famille.

Une belle sortie qui n'arrive pas

Mercredi 23 juillet 2014, à Hammamet, il est arrivé avec son one man show, intitulé ''In-âach'', un jeu de mots en arabe qui, traduit grossièrement, donne, «S'il vivait» ou «Réanimation».

Scène nue, décor minimaliste pour ne pas dire pauvre, une chaise rouge, une table rectangulaire, parois en plastique en fond de décor, lumières indirectes, par derrière et à ras de sol.

Lui, Kamel, est en blanc, studieux, sûr de son effet; il campe des personnages ancrés dans le tissu tunisien, petit bourgeois, moralement bien misérable. Ce qui, habituellement, lui sied à merveille. Il cause, il cause: cela commence par l'histoire d'un astre avec queue de passage en 2012, qui devait provoquer une collision avec la terre, mais a raté sa cible, hélas!

La fin du monde attendue: ça parle, ça brode autour du sujet, c'est long, volontairement décousue, le public attend une belle sortie, qui n'arrive pas.

Le personnage s'arrête sur les vocables, attend une réaction du public, qui ne bronche pas.

On accueille un autre personnage, invariablement causeur, qui évoque, par allusion, la politique – celle-ci, il faut le dire, épice désormais toutes les sauces théâtrales –, quelques trouvailles, rires timides à propos de jeux de mots trop recherchés, pas davantage. Le personnage s'arrête sur les vocables, attend une réaction du public, qui ne bronche pas.

L'auteur a tissé un texte fait de bric et de broc. Avouons tout de même que Touati est un funambule de l'assemblage de situations cocasses, mais ici, ça ne prend pas ou si peu. La cause? On la chercherait dans la mise en scène. L'acteur, à lui seul, n'est pas, à notre avis, le genre magnétiseur de foule. Il est mieux servi quand il fait face à d'autres personnages devant lesquels il improvise.

Et les grosses rigolades?

Sur scène, la lumière étale l'a apparemment égaré au lieu de le serrer au plus près, pour faciliter la concentration du public, qui perd par moment ce qui fait le charme de Touati: les mimiques en gros plan.

Scène nue, décor minimaliste pour ne pas dire pauvre...

Autre situation, le personnage est sur le point de partir, une valise, des mouchoirs, des médicaments, le rêve avant le départ... Touati brode autour, il allonge la sauce, effeuille les mouchoirs, égrène les maladies, quelques tirades bien ficelées, d'autres «attendues», «téléphonées», un appel du pied au public, des fans applaudissent, l'acteur attend (légitimement) les bonnes rigolades franches, à gros bouillon. Elles n'arrivent pas.

Tant pis, on franchit le pas, et on entre dans la chair de la provocation, un sas pour passagers et bagages, l'alarme retentit, le passager revient... il reviendra encore et encore, jusqu'à plus soif et enlèvera tous ses vêtements, un strip-tease et des rires presque forcés, c'est long et fastidieux. Y passent les propos ironiques sur la solidarité, sur la femme au combat, l'homme ratatiné, rabougri devant sa télé...

Le public sourit, Touati crie à gorge déployée, parfois avec une énergie désespérée. Le rire franc long et bruyant se fait attendre. On applaudit malgré tout.

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