L'exposition artistique «Tunisie Turbulences», organisée par la Fondation Benetton, se tient jusqu'à fin janvier 2015 à la célèbre Villa Borghèse à Rome (Italie).
Par Zohra Abid
L'exposition, inscrite dans le cadre du projet ''Imago Mundi'' (Images du Monde) de la Fondation Benetton, devra atterrir ensuite au Musée d'Art de Louisiane (Noma, Etats-Unis) et au Belvédère de Vienne (Autriche).
Il s'agit d'une collection d'oeuvres de 210 artistes tunisiens qui ont travaillé sur différents supports (toile, cuivre, chanvre, bois, verre, poterie, pierre...) et utilisant une grande variété de techniques (de l'acrylique à la photographie en passant par la sculpture, la mosaïque, la broderie, l'appareillage de pierres...), explique l'artiste Aïcha Filali, dans la préface du catalogue de l'exposition.
Conférence de presse à La Marsa pour présenter l'exposition.
«Imago Mundi» de Benetton
Les oeuvres de «Tunisie Turbulences» marient patrimoine et modernité. Et tout en restant ouvertes sur le futur, ambigu et incertain, elles déroulent l'histoire tunisienne tout en mouvement, vue, vécue et décrite par des artistes, toutes sensibilités confondues, souligne, de son côté, la commissaire de l'exposition Leila Souissi.
La collection tunisienne s'inscrit donc dans le cadre du projet «Imago Mundi», monté par Luciano Benetton de la Fondation portant son nom. L'objectif est de donner la chance à des artistes africains de décrire, chacun à sa manière, selon ses sensations, ses émotions et ses jets de folie et d'espoir, sa vision intime du continent.
Au total, 2000 œuvres en provenance de 16 pays, dont la Tunisie, ont été sélectionnées parmi les milliers présentées.
«L'exposition a été inaugurée le 20 novembre 2014. Vu l'intérêt du public, la clôture, prévue le 11 janvier 2015, n'aura lieu qu'à la fin du mois courant. Elle partira ensuite aux Etats-Unis, avant de revenir en Europe, et de s'installer à Vienne. C'est vraiment magnifique de voir nos artistes exposer au Musée du Belvédère», annonce Leila Souissi non sans fierté. Elle espère pouvoir faire venir cette collection en Tunisie.
Leila Souissi et Aicha Filali.
Les Afriques des artistes
Lors de l'inauguration de l'exposition, l'enfant de Trévise Luciano Benetton (patron de la marque textile) était fier de rendre hommage à une Afrique en ébullition et dans tous ses états, décrite librement par ses artistes. «Pour réaliser ce projet, Imago Mundi s'est tourné vers cette nouvelle Afrique, vers la richesse de ses ressources naturelles, vers sa jeunesse, ses populations, sa culture et ses espérances et c'est cela qu'a signalé Luciano Benetton, amoureux de l'Afrique dans toutes ses couleurs», ajoute Leila Souissi. Qui précise qu'aux côtés du stand artistique tunisien, on trouve ceux d'Afrique du Sud, d'Egypte, d'Erythrée, d'Ethiopie, de Gambie, du Kenya, du Maroc, de Mauritanie, du Mozambique, du Sénégal, de Somalie, du Soudan, de Tanzanie, de Zanzibar et du Zimbabwe.
Luciano Benetton croit en l'Afrique, ce continent qui émerge par ses expressions étonnantes, qu'il affectionne et dont il admire les talents multiples et observe le regain de croissance économique qui va s'affirmer dans les années à venir. «M. Benetton a voulu rendre hommage à l'Afrique des arts, tous les arts, toutes les couleurs et les expressions sous les diverses tonalités», souligne Mme Souissi.
«Chaque collection a sa propre vie. Dans la Tunisie d'aujourd'hui, il y a un nombre important de femmes artistes et ça reflète la présence forte de la femme en général dans le devenir du pays. Ici l'art est prêt, encore une fois, à transformer les turbulences de la révolution en un projet d'avenir. La sélection tunisienne traduit l'âme et le cœur d'un peuple de par sa diversité. Elle donne aussi une idée du dynamisme contradictoire que vit ce pays si optimiste», enchaîne-t-elle.
Peinture de Hamadi Ben Saad.
Beau livre d'arts vivants
«L'exposition est à la rencontre de tant d'Afriques, chacune avec ses traditions, son passé, ses multiples ethnies, ses merveilleuse beautés et ses tragédies. J'espère que les œuvres des artistes du projet Imago Mundi pourront contribuer à une réflexion sur les qualités esthétiques de l'art africain contemporain. Cela permettra de dépasser les habituels stéréotypes du folklore, de la tribalité et de l'exotisme généralement liés à l'art africain», a indiqué Luciano Benetton, dans son discours inaugural à Villa Borghèse, dans la capitale italienne.
De l'''Imago Mundi'', on a tiré pas moins de 13 catalogues dans les 3 langues (français, italien et anglais)... «Le catalogue de ''Tunisie Turbulences'' étalé sur 500 pages est imprimé en 2.000 exemplaires. C'est un état des lieux de l'art postrévolutionnaire. La jaquette porte la couleur du drapeau national et le nom de la Tunisie en calligraphie. Il a été élaboré par Moez Akkari et préfacé par l'artiste et écrivaine Aïcha Filali», précise encore Mme la commissaire, en rendant hommage à tous ceux et celles qui l'ont aidée dans le montage de l'exposition.
Visite virtuelle du musée
Leila Souissi regrette cependant de ne pas pouvoir ramener ce beau livre en Tunisie pour le mettre en vente au grand public. «Avec les taxes et la dévaluation du dinar, il coûte dans les 80 dinars, et c'est trop cher. Il sera tout de même accessible dans les écoles de l'art, car j'ai pu ramener 20 exemplaires, offerts gratuitement par M. Benetton. Pour avoir une idée sur les œuvres, il est possible de visiter le musée sur Internet en attendant que l'exposition débarque en Tunisie, dans un an», annonce la commissaire de l'exposition, qui n'a pas encore une idée sur la galerie qui va l'accueillir.
La catalogue de l'exposition "Tunisie Turbulences".
Parlant de ses collègues artistes, Aïcha Filali note, pour sa part, dans la préface : «Ils ont une vision futuriste, et, surtout, ils sont capables de faire un vrai pas en avant. Il me vient à l'esprit la différence entre révolte, immédiate, instinctive, liée au présent, et révolution: organisée, collective, projet pour le futur... je crois que la révolution de l'art tunisien a commencé».
Et du côté la Fondation Benetton, l'avenir, en Tunisie, en Afrique, comme partout, est, aujourd'hui, à la démocratie et à la liberté. «Aucune contrainte n'est imposée aux artistes pour ce projet démocratique qui concerne aussi bien les anciens que les modernes et toutes les techniques sont admises», a précisé, à ce propos, le mécène du projet.
Artistes, à vos délires, à vos expressions, à vos talents ! C'est tellement beau de se sentir en démocratie, et libre comme le vent.
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