Attaliani Banniere

''Attaliani'' est le roman d'une génération, celles des années 70-80, éprise de liberté et de progrès, mais soumise aux affres de la dictature.

Par Samir Messali

La rentrée littéraire de cette année a été marquée par la parution d'''Attaliani'' (éd. Attanouir), roman en langue arabe de Chokri Mabkhout, qui, comme les bons romans, vous accroche dès le premier chapitre et vous ne le lâchez qu'après l'avoir terminé.

Le roman relate le parcours du turbulent Abdennaceur, beau comme un Italien (d'où le titre du roman) et rebelle, qui commence dans la maison familiale de Bab Jedid, quartier populaire au centre-ville de Tunis, où, très jeune, il réussit, grâce à sa forte personnalité, à échapper à l'autorité maternelle et à imposer son indépendance.

Devenu par la suite leader du mouvement de la gauche estudiantine, il fait la connaissance, lors d'une arrestation, avec Zina, une étudiante rebelle comme lui, originaire d'un village du nord-ouest, dont il tombe amoureux et avec laquelle il finit par se marier.

Pour gagner sa vie et subvenir aux besoins de son jeune couple, Abdennaceur finit par quitter la faculté et devient journaliste dans un journal du gouvernement.

L'histoire continue avec la relation tendue entre Abdennaceur et Zina, dont la grande détermination à réussir ses études finit par fragiliser le couple. Elle continue aussi avec l'ascension professionnelle d'Abdennaceur et sa relation privilégiée avec le directeur du journal, qui lui permet d'avoir une fenêtre sur les rouages du régime, d'abord celui de Bourguiba en fin de règne et ensuite celui de Ben Ali.

Le roman relate aussi, en filigrane, l'histoire de la gauche tunisienne, ses combats et ses désillusions, face au pouvoir, d'abord, et, ensuite, face à la montée des islamistes, à l'université, dans la société et sur la scène politique.
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'Attaliani'', dont le récit commence à Bab Jedid et s'achève dans un appartement du quartier huppé Ennasr, décrit aussi, au fil des pages, la croissance urbaine de la ville de Tunis et la lente décadence de la vie sociale dans la vieille médina, peu à peu abandonnée par ses habitants.

Chokri Mabkhout

Chokri Mabkhout.

Ce qui fait l'originalité de ce roman, c'est le tableau fouillé que brosse l'auteur d'une société tunisienne en pleine mutation. Tout y passe: les relations humaines, les ambitions, l'argent, la sexualité...

Grâce à sa grande maitrise de la langue arabe, Chokri Mabkhout parvient à décrire les situations les plus complexes, les sentiments les plus ambigus et même les rapports sexuels les plus chauds sans tomber dans la vulgarité du voyeurisme.

Le tableau social brossé est presque complet: le vieillard impuissant, la femme insatisfaite, la divorcée experte, la novice en quête de sensations fortes, jusqu'à la tentative de viol ou le viol de mineurs... L'auteur déroule son miroir avec un souci de vérité et une justesse de ton qui donnent à son roman une saveur particulière.

Bref, ''Attaliani'' est le roman d'une ville, Tunis, d'une société tunisienne tiraillée entre la tradition et la modernité, et d'une génération, celles des années 70-80, éprise de liberté et de progrès, mais soumise aux affres de la dictature.

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