Un duo charmant, Tobias Feldmann au violon et Boris Kusnezow au piano, ont réchauffé le coeur des mélomanes par une soirée glaciale à Sidi Bou Saïd.
Par Anouar Hnaïne
Il faut croire que l'Institut Goethe voit et pointe quelques convergences entre l'art de la peinture et celui de la musique. Aussi, avec l'organisation majestueuse de l'exposition ''Klee, Macke et Moilliet, Tunis 2014'' au Musée du bardo, il enrichit cette exposition, qui rencontre un succès phénoménal, par un concert de musique, disons un modeste concert, entendu dans le sens du nombre de musiciens.
Pas de matière orchestrale donc, mais un duo charmant, jeune et dynamique qui joue principalement de la musique de chambre : Tobias Feldmann au violon et Boris Kusnezow au piano.
Le choix de la musique classique pour accompagner l'exposition n'est pas fortuit. Les amateurs, les connaisseurs savent que deux des trois artistes pratiquaient la musique: Klee et Moilliet étaient de grands amateurs, ils étaient violonistes qui plus est, sont mariés à des pianistes.
En 1910, bien avant le voyage des trois «mousquetaires», la femme de Moilliet a donné un concert à Tunis. Quand à Macke, il n'est pas difficile d'apprendre ses affinités avec la musique, sa composition en hommage à Johann Sébastian Bach l'atteste. Klee jouait régulièrement du violon. Il a même hésité entre les deux modes d'expression. Il fut peintre et les connaisseurs savent que ses œuvres reflètent une sensibilité musicale.
Le duo à Ennejma Ezzahra
Départ au Palais du baron d'Erlanger, Ennajma Ezzahra, par un temps glacial, sur les hauteurs de Sidi Bou Saïd, pour se réchauffer, dans une salle pleine assistant au concert de la soirée du 22 janvier 2015.
Salle pleine, public jeune, apparemment amateur et attentif. Mozart en entrée avec la ''Sonate pour piano et violon en Fa majeur 376''. Entrée du duo jeune, sapé en musicien classique, costume noir. C'est parti pour les trois mouvements (Allegro, Andante et Allegretto grazioso).
Tobias Feldmann et Boris Kusnezow: complicité, harmonie et dynamisme.
Le dialogue entre les deux instruments s'installe rapidement, interprétation vigoureuse, fougue appuyée du violon, démonstratif, le jeune Feldmann «s'éclate» entre gestes solennels et lenteurs indolentes. Boris Kusnezow, dos au public, répond par un jeu sobre, le public apprécie.
Suit la ''Fantaisie pour violon et piano en Ut majeur D934'' de Franz Schubert. Toujours une énergie de folie, jeunesse oblige. Feldmann y met du sien, attentif à la moindre note. Kusnezow s'affaire avec aise, dodelinant la tête par moments, passages lents et langoureux. On est en plein romantisme. Pause.
«Très heureux de jouer devant un public attentionné», nous déclarent-ils, et nous racontent leur longue carrière malgré leur jeune âge.
Feldmann est de Berlin, passé par les meilleurs écoles, son compère Kusnezow est de Hambourg, plus de dix ans d'études, chez les meilleurs maitres. A deux, ils ont sillonné le monde d'une ville à l'autre, le Japon, les Etats Unis, l'Europe, etc. Toujours la musique allemande? «Non, nous jouons aussi de la musique française, américaine...».
Retour sur scène et romantisme français.
''Sonate pour violon et piano L140'' de Claude Debussy: cette pièce en 3 mouvements, composée tard (en 1917), elle est la dernière œuvre majeure du musicien qui mourut moins d'un an après sa création.
Un quart d'heure à peu près pour jouer l'Allegro vivo, l'Intermède Fantasque et léger et la Finale Très animée. Exécuté d'une manière appliquée, sans grandiloquence ni langueur?
Fin en fanfare avec ''Carmen Fantasy'', une variation composée pour violon et orchestre, décidément inspirée de la légendaire ''Carmen'' de Georges Bizet. Cette pièce a fait couler de l'encre, deux génies du violon se la sont disputée, Jascha Heifetz et Isaac Stern, le deuxième, encore jeune a eu le denier mot.
Nos deux jeunes hôtes du Palais d'Erlanger ont mis du cœur et de l'ambiance.
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