Le journaliste Hédi Yahmed a présenté son ouvrage de sur les salafistes jihadistes tunisiens, vendredi 13 mars 2015, au siège du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT).
Par Hamdi Hmaidi
Youssef Oueslati, membre du bureau du SNJT, a ouvert le bal. Hédi Yahmed en quelques mots: un journaliste talentueux et professionnel. Tout le monde se rappelle son enquête sur les prisons tunisiennes en 2002 qui lui a valu pas mal de déboires. Des années d'exil dont il a profité pour observer, découvrir et écrire. Un flair incroyable dont nous constatons aujourd'hui la pertinence: des interviews de personnes qui étaient totalement inconnues du grand public et dont nous découvrons à présent le rôle dans les événements tragiques vécus par la Tunisie.
Avec ''Sous la bannière du vautour. Les salafistes jihadistes tunisiens'' (paru en arabe), Hédi Yahmed compte aujourd'hui parmi les premiers écrivains-journalistes dans notre pays qui en plus de leur tâche de tous les jours nous gratifient d'ouvrages qui constituent une synthèse ou un apport supplémentaire par rapport aux sujets relevant de leur spécialité. Il contribue ainsi à l'instauration de la tradition du news book en Tunisie, tradition quasi inexistante chez nous à cause de la prépondérance du modèle français.
Dans son intervention, l'auteur, fort peu habitué à se mettre en scène en tant que producteur de discours, a quand même réussi à quitter momentanément sa casquette d'observateur des faits pour nous présenter le premier ouvrage qu'il vient d'écrire et qui est actuellement disponible dans les bonnes librairies de Tunisie.
Hédi Yahmed (capture d'écran).
Sans en dévoiler totalement le contenu et pour nous inviter à le lire, il a donné quelques indications utiles en répondant à une série de «pourquoi?» Pourquoi «la bannière du vautour» ? Parce que cet oiseau est un élément de la bannière des salafistes jihadistes. Pourquoi la couleur noire de la couverture du livre? Parce que c'est la couleur de cette même bannière. Pourquoi cet ouvrage? Parce que les Tunisiens ont plus que jamais besoin de comprendre ce qui se passe depuis 2011 et qui est en train de prendre de l'ampleur à l'échelle nationale et internationale.
Revendiquant son statut de journaliste d'investigation, Hédi Yahmed vise à donner à ses enquêtes, à ses reportages et à ses interviews le statut de documents sûrs et fiables en vue de rédiger des réflexions approfondies et des synthèses. C'est à quoi il prétend à travers les 17 chapitres de l'ouvrage.
L'intérêt qu'il accorde à la question des salafistes jihadistes tunisiens ne date pas d'hier. Il remonte à 2002, lorsqu'il découvre que parmi les détenus de Guantanamo figurent certains de nos compatriotes. Il a suivi de près ce qui s'est passé en Afghanistan, en Irak, en Syrie, en Libye, en Egypte et, bien sûr, en Tunisie. L'annexe regroupe tous les «papiers» écrits au fur et à mesure et des entretiens avec les deux chefs jihadistes Abou Iyadh et Abou Ayoub.
Au-delà de la simple information, on perçoit ici un autre projet que l'auteur cherche à réaliser: écrire le présent. Et c'est là que réside la difficulté essentielle, car il n'est pas du tout aisé d'être à la fois dans le feu de l'action et de prendre ses distances pour coller les morceaux d'une réalité fragmentée et complexe. Etre en même temps dedans et dehors pour comprendre et faire comprendre, tel est le défi que Hédi Yahmed s'est lancé.
Conjointement à ce projet, notre écrivain-journaliste tente de répondre à des questions qu'il juge pertinentes. Il se demande pourquoi les jihadistes tunisiens sont de simples «consommateurs» des écrits de leurs homologues orientaux et ne produisent jamais de réflexions théoriques aussi discutables soient-elles.
Il s'interroge sur la sincérité et la validité des autocritiques que se sont faites plusieurs ténors du jihadisme, sur l'impact que cela a sur l'avenir du Maghreb et du Proche-Orient. La dissociation jihad/violence se fera-t-elle un jour?
L'ouvrage que nous propose l'auteur tombe à pic. Prenons le temps de le lire.
* ''Tahta rayet al-ouqab. Al-jihadioun assalafioun attounoussioun'' (Sous la bannière du vautour. Les salafistes jihadistes tunisiens), Diwan Editions, Tunis, 2015.
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