L’éminent penseur marocain Mohamed Abed Jabri, est décédé hier à Casablanca à l’âge de 75 ans. Il était très apprécié en Tunisie où il comptait de nombreux étudiants et disciples. Se fondant sur l’héritage méthodologique andalou et sur la méthode historique khaldounienne, il appelait de ses vœux d’autres modernités, au-delà des modèles passéistes, libéralisant ou marxisant.
Né à Figuig, formé à Damas, Jabri avait offert à la philosophie de profondes études fondamentales sur la structure et contraintes de la «raison arabe». Au-delà des superpositions historiques, des procurations conceptuelles, et en précisant les véritables obstacles épistémologiques qui nous rejettent aux frontières de l’initiative historique.
Son modèle fondamental sera appliqué dans le célèbre, ‘‘Raison politique en Islam’’, où il revisite la «fitna» et définit historiquement les contours d’un espace politique musulman à partir de l’issue omeyyade à la fin du califat.
Auteurs prolixe, Abed Jabri est connu en Tunisie pour sa direction de plusieurs thèses et non des moindres. Il a obtenu en 1992 le Prix maghrébin de la culture. Les lecteurs du quotidien ‘‘Assabah’’ se délectaient à la lecture de sa chronique hebdomadaire... Et nos jeunes philosophes n’oublieraient pas de sitôt ses écrits: ‘‘Introduction à la critique de la raison arabe’’ (1994), ‘‘La question culturelle’’ (1994), ‘‘Les intellectuels dans la civilisation arabo-musulmane: l’infortune d’Ibn Hanbal et le drame d’Averroès’’ (1995), ‘‘La question de l’identité: l’arabité, l’islam et... l’Occident’’ (1995), ‘‘La religion, l’Etat et l’application de la Loi religieuse’’ (1996) et le ‘‘Projet du Renouveau arabe’’ (1996)...
La médaille d’Avicenne de l’Unesco, qui lui a été décernée en 2006, était-elle un dernier hommage !
Jamel Heni