Entre les Berlingo, DS3, Picasso et autres voitures de la marque française exposées au showroom d’Aures Auto aux Berges du Lac de Tunis, des caricatures et des photos inspirées de la révolution tunisienne ont été accrochées, les 29 et 30 avril.
La première édition Citroën Art Days a eu lieu les 7 et 8 janvier 2011. Cest-à-dire, une semaine avant le 14 janvier et la chute de l’ancien régime. C’était un autre moment, un autre regard, une autre expression qui appartient déjà à une époque révolue. Le second rendez-vous, organisé le week-end dernier par Bassam Loukil, Pdg de Citroën Tunisie, a été une édition spéciale, dédiée à l’art de la révolution du 14 janvier. Il fallait y penser…
Révolutionnaires, mais à vos talents!
«Le 14 janvier est un événement unique dans l’histoire tunisienne. Des jeunes et moins jeunes artistes y ont contribué à leur manière. Notre rôle est de mettre cet espace au service de leur talent pour qu’ils exposent leurs trouvailles artistiques. Nous avons essayé de ne pas intervenir sur le thème pour qu’ils puissent préserver l’esprit de la liberté», a déclaré M. Loukil, vendredi, lors du vernissage de l’exposition. Il a ajouté: «L’art est multiple et pluriel, et par essence, il est d’abord expression. Et parce que l’art exprime la différence et ne peut être que liberté et démocratie, Citroën a décidé de récidiver avec un Art Days 2, en hommage à la ferveur créatrice qui a animé (et ne cesse d’animer) les artistes tunisiens depuis qu’une certaine brise a rafraîchi nos belles côtes et qu’une certaine atmosphère se fit moins lourde et pesante».
Des oeuvres inspirées de la révolution.
M. Loukil, qui était entouré des artistes, des cadres de l’entreprise et des journalistes, a profité de l’occasion pour annoncer d’autres heureux événements dans les mois à venir. Le premier est une autre exposition en juin qui réunira les artistes de l’école des Beaux-Arts. Le second aura lieu aux Champs-Élysées. «Tous les artistes pourront y participer. Il y aura, bien sûr, une sélection. Cette exposition sera sponsorisée par Citroën France. Des pourparlers sont en cours avec la maison mère pour rendre possible une exposition sur la révolution tunisienne aux Champs-Élysées, au cœur de Paris», a annoncé le Pdg.
Art Days 2 regroupe les travaux de nombreux caricaturistes, de deux photographes professionnels et de nombreux photographes en herbe ou plutôt de circonstance, la révolution ayant donné naissance à des photographes «à l’insu de leur plein gré».
Loukil entouré de ses artistes.
Parmi ces artistes, nous citerons deux habitués Lotfi Ben Sassi, et Habib Bouhaouel, mais aussi Hamideddine Bouali, Seïfeddine Néchi, Douraïd Souissi, Pol Guillard, Chakib Daoud, Karim Kouki, Wassim Ghozlani, Imed Ben Hmida, Taoufik Omrane, Issam Milédi, Amor Abad Harzallah….
Les Roméo tunisiens et leur Juliette
Il y a ceux qui se sont exprimés avec un humour décapant, mais la satire est ici plutôt joyeuse, même si le sujet est grave. Puisqu’il est souvent question de l’avenir de la Tunisie post-révolution, qui reste encore flou. Les caricaturistes, en bons citoyens, lancent des avertissements à leurs compatriotes: gare au retour à la case du départ et au grand bruit qui n’accouche de rien! Comme l’exprime très bien Bouhaoual dans son tableau colossal baptisé: «Silence, on tourne en rond». Ou comme le dessine Lotfi Ben Sassi dans «Majoritaires et vaccinés». Dans la majorité des caricatures exposées, les traits et mots acides tournent autour des thèmes de la liberté retrouvée et de la crainte du lendemain. Du lendemain qui déchante. La peur, la grisaille, l’inquiétude qui hante l’esprit des Tunisiens et qui les empêche parfois de réfléchir...
Bassem Loukil en discussion avec le caricaturiste et peintre Habib Bouhaouel.
Les artistes racontent aussi dans leurs photographies et leurs dessins ce qui s’est passé réellement – et qui continue de se passer – dans toutes les régions du pays, de Bizerte à Dehiba et Ras Jdir à Tunis, et Kasserine à Kelibia. Des citoyens qui crient, qui courent, qui font des sit-in, des grèves... Ici, il y a de la colère, là de la joie, des graffitis sur le mur, des slogans agités avec bonheur: liberté, égalité, démocratie… Le tout estampillé révolution tunisienne. Des images qui resteront en mémoire et qui rappelleront l’un des moments les plus intenses de l’histoire contemporaine de la Tunisie.
On remarquera cependant que, sur les 160 tableaux, seulement quelques uns dégagent de l’optimiste. Et pour cause: l’impression générale reste mitigée et rien n’est encore clair. «Les Tunisiens ne mâchent pas leurs dessins» dira M. Loukil, soudain pris par l’ivresse des mots. Il ajoutera avec la même verve: «La Tunisie d’aujourd’hui est notre Juliette et nous sommes tous ses Roméo».
Pour donner plus de saveur à l’événement, le, Pdg d’Aures Autos a offert à ses convives un festin, un fond musical, dans une ambiance conviviale et bon enfant. Il n’a cependant pas oublié, en cette occasion, de rendre un vibrant hommage au photographe Lucas Mebrouk Dolega, «fauché par l’adversité un certain 14 janvier 2011. Il restera dans nos mémoires», a-t-il dit.
Zohra Abid