‘‘L’Assemblée des Femmes’’, célèbre pièce d’Aristophane, présentée par la compagnie Tutti Quanti sur l’esplanade du Musée de Carthage. Au plaisir de quelques 400 spectateurs ! Par Nadia Ghrab*
L’association «Hippocampe. Art et Citoyenneté» veut contribuer à l’éveil citoyen et à la sensibilisation aux élections, par le biais de l’art et de la culture.
Pour sa première action, elle a choisi une soirée ramadanesque, le 24 août dernier, pour inviter la compagnie Tutti Quanti à jouer cette pièce d’Aristophane (adaptée par Robert Merle), en plein air, sur l’esplanade du Musée de Carthage, devant quelque 400 spectateurs.
La démocratie jusqu’à l’absurde
Sur la scène, un fronton de temple grec, des maisons blanches aux fenêtres bleues. Tout autour, des statues et des colonnes romaines. Plus loin, au bas de la falaise, d’innombrables lumières témoignent de la présence humaine… Invisible, mais imprégnant l’air de sa mystérieuse présence, la mer…
Sommes-nous à Athènes ? Rome ? Carthage ? Au 5ème siècle avant J.-C. ? 21ème siècle ? Qu’importe!
Un jeune homme svelte chante une romance à sa belle. Mais la guerre gronde aux portes d’Athènes. Les femmes n’en veulent pas et décident de prendre le pouvoir à l’assemblée du peuple.
Avec Aristophane, le visage hideux de la dictature est dénoncé sans pitié. Les hommes masqués, presqu’interchangeables, sont ridiculisés. Mais la pièce ne fait pas dans le politiquement correct : en poussant la démocratie jusqu’à l’absurde, Aristophane montre les difficultés posées par son application mécaniste. Les femmes, quoique plus fines et plus futées que les hommes, en prennent aussi pour leur grade.
Appartenance à l’humanité universelle
Si notre dramaturge n’épargne personne, les comédiens de Tutti Quanti s’amusent à prolonger son humour corrosif par des clins d’œil à des personnalités politiques actuelles. En choisissant le style de la commedia dell’arte cher à Alberto Nason, le metteur en scène, ils ont su traiter des sujets graves avec une légèreté vivifiante ! L’humour corrosif devient jubilation et allégresse… La grivoiserie est traitée avec une élégance extrême. Un banquet devient prétexte pour des jeux d’adresse débordant de joie de vivre !
On ne sait trop si c’est la douceur de l’air de Carthage, ou l’immense habileté des comédiens, mais ceux-ci semblent voler, faisant fi de toute pesanteur.
Quel type de démocratie doit-on installer ? Son exercice nécessite-t-il un apprentissage ? Les femmes sont-elles aptes à gouverner ? Seules ou avec les hommes ?
Aristophane ne donne ni réponses, ni solutions. Mais la pièce ouvre largement la voie au débat et à une réflexion personnelle sur ces questions essentielles. On en sort avec un sentiment profond d’appartenance à l’humanité universelle, qui vit les mêmes questionnements à travers les pays, les continents et les siècles. Les costumes et les décors d’époque créent la distanciation nécessaire par rapport à notre société, et ne font que mieux ressortir les invariants universels.
Les spectateurs, enchantés, ont ovationné les comédiens.
Et la suite ?
Hippocampe a décidé de traduire la pièce en arabe dialectal et de la faire jouer par de jeunes comédiens de Tozeur. Mais chut ! Vous en saurez bientôt davantage …
Pour voir des photos de la soirée.
* Présidente de l’association «Hippocampe. Art et Citoyenneté».