Retour sur ‘‘Les palmiers blessés’’, un film où les bonnes intentions n’ont d’égales que les approximations d’un scénario grandiloquent mais mièvre et d’un jeu d’acteur théâtral et stéréotypé.
Par Mohamed Sadok Lejri*
La rencontre internationale du film transsaharien de Zagora s’est tenue du 22 au 27 octobre sur le thème : «Cinéma et environnement». La Tunisie y a participé avec le dernier long-métrage d’Abdellatif Ben Ammar ‘‘Les palmiers blessés’’, sorti sur les écrans tunisiens, lors de la dernière session des Journées cinématographiques de Carthage (Jcc), en 2010.
Un scénario surfait et bavard
Dans ce film, Abdellatif Ben Ammar prend pour sujet une partie de l’histoire récente de la Tunisie, en l’occurrence, la bataille de Bizerte. Il attire notre attention sur la récupération par certains de la lutte du peuple tunisien pour évacuer les troupes françaises de Bizerte. Cette bataille (que certains, à l’instar d’Omar Khlifi, qualifient de «guerre») fut marquée par des heurts et des effusions de sang.
Bien évidemment, le dessein délibéré du réalisateur était de dénoncer les personnes qui, pendant la bataille, ont fait preuve de lâcheté, voire de traîtrise. Et ça ne peut être que salutaire. D’autant que ces derniers, par la suite, se sont arrogés le beau rôle. Soit celui qui a permis aux Tunisiens de retrouver leur fierté «grâce à eux», et ce, par le truchement d’une «éclatante victoire».
Néanmoins, le film est médiocre. La pauvreté du scénario nuit bigrement à son intelligence. Certaines répliques viennent l’enrichir de manière disparate, grâce à la joliesse de quelques extraits rédigés en arabe littéraire et déclamés par Néji Najah avec élégance qui interprète, en l’occurrence, le rôle d’un combattant imposteur. Et de ces phrases découlent métaphores et «mérites» imagés.
Malheureusement, à part ces quelques répliques qui dénotent une belle plume, on pourrait presque se passer du reste.
Le jeu des acteurs est mauvais. Leïla Ouaz, l’actrice qui joue le rôle principal, exhale de l’amateurisme à tout-va, et ce sur fond d’une contenance embarrassée. Néji Najah, qui joue le rôle du faux preux, n’est guère convaincant dans l’ensemble. Sauf lors des répliques susmentionnées qui, dans le film, sont des extraits du livre qu’il rédige. Il nous offre aussi, en dépit d’une théâtralité excessive, une bonne prestation à la fin du film.
Quelques anachronismes
Le personnage interprété par Jawhar Basti pourrait aisément nous faire revenir à la mémoire cette image conventionnelle, fade et insipide, du jeune homme qu’on a tant croisé dans nos feuilletons ramadanesques et qu’on pourrait aisément faire passer pour le «gendre idéal». Le genre de personnages qui se distinguent, essentiellement, par deux qualités : la douceur et la vertu. Le couple algérien est le seul à tirer son épingle du jeu, en apportant un côté sympathique au film.
Il faut souligner aussi que le film est entaché d’anachronismes. En effet, l’histoire se déroule au début des années 1990 et les tenues vestimentaires reflètent le goût des années 2000, voire de la fin de cette décennie. A un moment donné, on aperçoit sur le pare-brise d’une automobile trois vignettes autocollantes : celles des années 2008 et 2009, et de la visite technique !
Les scènes parachutées sont nombreuses et les scènes superflues sont légion. Il y a, par exemple, celle où Leïla Ouaz et son amie algérienne s’embrassent et s’amusent sur la plage comme des gamines de huit ans. Les moments câlins du couple algérien sont un peu longs et niais.
Au milieu d’une scène plus ou mois intense vers la fin du film, on nous montre le petit garçon (fils du soi-disant héros de guerre) à deux doigts de se noyer... Dans une salle de bain. Cette noyade vient se greffer sur cette scène. Et la greffe n’a pas pris !
Deux choses présentent de l’intérêt dans ce film. Tout d’abord, confier à une jeune femme le premier rôle, dans un film de cette nature, me paraît judicieux. Celle-ci enquête sur les circonstances de la mort de son père. Ce rôle est chargé de valeurs et de symboles d’une grande importance : dénoncer l’escroquerie de ceux qui se sont appropriés indûment les sacrifices des martyrs de la bataille de Bizerte pour se faire gloire. Vient ensuite, et dans une moindre mesure, le bon travail effectué au niveau de l’image. Les plans sont remarquables. Ils deviennent éloquents, de surcroît, grâce aux images d’archives. En dépit de tout cela, le film est grosso modo mièvre et insipide... Mais à voir quand même.
* - Etudiant.