Med Film Factory est un programme qui vise à donner un coup de fouet (et de jeune) à la création cinématographique dans les pays arabes.
Par Emmanuelle Houerbi
Prenez des duos réalisateurs-producteurs désireux de tourner leur premier ou deuxième long métrage, permettez-leur de peaufiner leur projet avec des professionnels reconnus puis mettez-les en contact avec les principaux acteurs de l’industrie cinématographique… Mélangez le tout, et vous obtiendrez Med Film Factory, un projet visant à donner un coup de fouet (et de jeune) à la création cinématographique dans les pays arabes.
Huit projets de films à faire aboutir
Med Film Factory, dont c’est la première édition, se déroule en trois temps. Un programme de coaching à Tunis à l’attention des producteurs tout d’abord. Puis un séminaire pour les réalisateurs, en janvier à Amman, à l’issue duquel chaque participant pourra tourner et monter des scènes de son propre film. Et enfin une «Assemblée du Film Indépendant», au printemps prochain, où les porteurs de projet rencontreront en séances individuelles des professionnels reconnus d’envergure régionale et internationale (décideurs, financiers, exploitants, distributeurs, coproducteurs…). Le tout pour concrétiser chacun des huit projets sélectionnés.
Virée improvisée au Bardo… il était une fois la révolution !
Du 2 au 7 décembre, c’était donc au tour des producteurs d’être réunis à Sidi Bou Saïd. Ambiance studieuse, décontractée et cosmopolite dans un décor de rêve. Quatre étudiants tunisiens en dernière année de l’Institut supérieur des arts multimédias de la Manouba, option «Production», venus en observateurs pour toute la durée de la formation.
Huit producteurs porteurs de projet, dont deux tunisiens (quatre hommes pour quatre femmes, vive la parité !). Deux tuteurs et quatre experts venus transmettre leur expérience de terrain (presque tous Européens, le projet étant cofinancé et soutenu par le programme audiovisuel Euromed). Sans oublier bien sûr les organisateurs.
Car cet événement n’est pas né par hasard. C’est même le résultat d’une étroite et ancienne coopération entre des passionnés de cinéma venant de trois pays et de trois organisations : la Royal Film commission en Jordanie, la Huston School of film and Digital Media en Irlande et Sud Ecriture en Tunisie. Toutes ont pour objectif la formation des jeunes professionnels et la promotion du cinéma arabe dans la région et dans le monde.
Selon la productrice tunisienne Dora Bouchoucha, les pays arabes manquent cruellement de producteurs et ceux qui existent se limitent souvent à l’aspect financier au lieu de s’impliquer dans le processus de création artistique. Par ailleurs, le manque de traités et d’accords internationaux ne permet pas de développer les coproductions et la diffusion régionale des films locaux. Résultat : les projets ont du mal à aboutir et les films terminés peinent à trouver leur public.
Photo de groupe du Med Film Factory 2011
A la lecture des huit projets sélectionnés, et sans entrer dans les détails des scénarios (qui doivent bien entendu être tenus secrets jusqu’à la sortie des films !), on s’aperçoit que la légèreté n’a pas vraiment sa place chez les apprentis cinéastes jordaniens, libanais, algériens, ou tunisiens. Parmi les sujets choisis figurent en vrac la guerre, la corruption, le chômage, le poids de sociétés oppressantes et inégalitaires, les interdits en tous genres, la censure…
Dhafer El Abidine derrière la caméra
Tewfik, producteur algérien et architecte de formation, avoue que le cinéma permet d’exorciser les peurs et les angoisses en dénonçant l’inacceptable et en bravant ou en contournant la censure. Michel, formateur, lui rappelle alors que «ce que rencontre l’unanimité n’a plus besoin d’être dit».
Pas de doute, à l’issue de ce programme nous pourrons voir des films profondément engagés et anticonformistes… Pour les comédies, on attendra !
En janvier, les huit réalisateurs se retrouveront à leur tour à Amman pour la deuxième phase du programme. A cette occasion, un petit message pour tous les fans de Dhafer El Abidine. Le célèbre acteur sera de la partie, son premier projet de long métrage ayant été sélectionné pour le Med Film Factory. Après une carrière de footballeur, des études d’informatique et un beau succès en Tunisie et en Grande-Bretagne, il projette de passer derrière la caméra. A très vite donc pour la sortie de son film et de ceux de tous les autres participants… et longue vie au cinéma arabe indépendant !