De l’agitation à l’entente, en passant par le marquage de territoire, chacun cherche à avoir sa part de l’espace, à s’approprier un temps, naturellement neutre. C’est la pièce théâtrale de Fatma Felhi, «Les Cils de la Terre».
Par Thameur Mekki
«Atchoum !». Six adolescents éternuent, puis courent dans tous les sens, ensuite se chamaillent sans cesse avant de partager leurs rêves et leurs ambitions. ‘‘Les Cils de la Terre’’ ainsi s’intitule cette pièce de théâtre présentée, jeudi sur la scène d’El Teatro. Une deuxième représentation a lieu, aujourd’hui, même endroit, à 15H30.
L’olivier, nombril d’une existence
Sous les branches nues d’un olivier, ils s’interrogent sur tout, passent du débat pacifique au bras de fer et finissent par cohabiter en harmonie. «Ce sont ces conflits qui mènent à la phase de la réconciliation. Et par conséquent, à la construction», déclare Fatma Felhi, metteur en scène de cette pièce pour ados. «Entre 12 et 17 ans, il y a un reflexe de questionnement permanent qui se développe. Ma démarche puise dans ce réflexe. D’ailleurs, tous les tableaux de la pièce posent diverses interrogations mais ne donnent jamais de réponses», confie encore Fatma.
Produite par El Teatro en collaboration avec le Théâtre du Bout du Monde (Nanterre, France), ‘‘Les Cils de la Terre’’ se caractérise par sa scénographie minimaliste. L’olivier, et basta ! Il conditionne tout : le climat, l’humeur, les liens entre les personnages, leur positionnement. Tout. Le rapport de force entre ces derniers se définit en fonction du reflet de l’ombre de l’olivier ou de sa lumière sur la scène.
L'olivier au centre de tous (Les Cils de la Terre)
Les jeunes comédiens, issus d’El Teatro Studio, se retrouvent dans une recherche permanente d’aspects identitaires partagés, de projet commun mais surtout d’un background rassembleur.
«Retour aux origines» !
Pour afficher leurs vertus, c’est de l’olivier qu’ils s’inspirent. De sa force, de sa beauté, de son orgueil, de sa générosité ou encore de sa capacité de résistance. Fatma Felhi, metteur en scène, nous en parle : «C’est un retour aux origines. J’ai travaillé sur Ulysse. Dans la mythologie grecque, Ulysse a répandu l’olivier dans toute la Méditerranée. Et il a donné à cet arbre ses caractéristiques. Mon approche consiste à attribuer les valeurs attribuées à Ulysse par Homère à tout être humain».
Affiche des Cils de la terre
Fatma Felhi est originaire de Regueb, ville située à 37 km de Sidi Bouzid connue pour sa forte production d’huile d’olive. Pourtant, elle a préféré se concentrer sur la réflexion bien loin des dogmes et des superstitions et autres bénédictions de l’olivier. Un choix artistique. Elle l’explique : «Je me suis documentée. Mais je me suis également référée au milieu dans lequel j’ai grandi, à ma famille qui cultive un terrain d’oliviers. Et j’ai fini par décider de ne pas me mêler de cet aspect dans la pièce. Je trouve que ce cadre est glissant voire même dangereux. Et je suis restée cartésienne».
Faire la guerre pour la paix ?
Entrecoupées par des airs de chant Salhi, genre de mélopées bédouines du centre de la Tunisie, les scènes de cette pièce théâtrale s’alternent au rythme de l’évolution du rapport entre les six personnages. De l’agitation à l’entente tout en passant par une bataille de marquage de territoire, chacun d’entre eux cherche à avoir sa part de l’espace, à s’approprier un temps, naturellement neutre. «Les personnages évoluent de leur état primaire caractérisé par une attitude instinctive voire même animale jusqu’au stade de la réflexion, de la maturité intellectuelle», décrypte Fatma Felhi.
Après avoir posé une multitude de questions, c’est à la fin qu’ils partageront la récolte. Ils fêteront cet aboutissement en dansant. Jaune, violet, vert, rouge, bleu, marron, leurs draps multicolores qui leur ont servi, en même temps, de récipients pour la récolte et de costumes ont été posés sur les branches de l’olivier. C’est tout en différence qu’ils ont trouvé la sérénité. Dressés fiers face à leur édifice, ils riront aux éclats.