Femmes et hommes de théâtre agressés, maltraités, harcelés et empêchés de célébrer librement, dimanche, devant leur maison, le théâtre municipal de Tunis, la journée mondiale du théâtre.

Par Souhir Lahiani


 La réaction du ministère de la Culture ? Un communiqué, lundi, qui condamne les agressions commises par des manifestants salafistes ! Trop peu, trop tard, dirait l’autre. Le ministère de l’Intérieur, quant à lui, n’a presque rien vu. Il a démenti les violences pourtant attestées par plusieurs personnes présentes sur les lieux, et pas seulement des hommes de théâtre. Trop, c’est trop !

L’ignorance et le déni de la culture

Lundi, vers 19 heures, et après une représentation de la pièce ‘‘Karassi’’ de Dalila Meftahi à la salle du 4ème Art, au centre-ville, a eu lieu un sit-in des artistes et hommes de théâtre. Ils étaient tous en rage, en colère et tristes quant à la situation qui se détériore de jour en jour, après la Révolution de la Liberté et de la Dignité ! Une Révolution qui n’a apporté que l’ignorance et le déni de la culture. Plusieurs festivals de théâtre dans plusieurs régions du pays, n’ont pas eu droit à des subventions. Citons, à titre d’exemple, le Festival de théâtre de Regueb, la manifestation de la Journée mondiale du théâtre, etc.

Mehdi Mabrouk s'explique mais ne convainc pas

Soudainement, le ministre de la Culture est arrivé devant le 4ème Art, sans aucune surveillance ni policier, seul avec son chauffeur. Que vient-il faire, se demandent les acteurs ? Il est prévu qu’il assiste à la célébration de la Journée mondiale du théâtre, pourquoi n’était-il pas intervenu lors des agressions des artistes devant le théâtre municipal ? Pourquoi avoir condamné par un simple communiqué ces actes et réaffirmé (simple formalité en somme et service minimum) sa profonde détermination à préserver la liberté d’expression et de création culturelle et artistique ? Pourquoi aucune excuse officielle de la part du ministère de l’Intérieur, qui a autorisé deux manifestations aux antipodes l’une de l’autre au même moment et dans le même endroit, ne fut-ce que pour la réhabilitation de l’acteur et de la défense de son existence ?

Le gouvernement en service minimum

Mehdi Mabrouk, le ministre en question (celui-là même qui avait promis, il y a quelques semaines, d’interdire le Festival international de Carthage à certaines chanteuses libanaises), a insisté sur la nécessité de «poursuivre en justice toute personne qui s’avère impliquée dans les agressions contre les artistes et dans la destruction de leurs matériels», mais est-ce vraiment suffisant ? «Pour convaincre les comédiens et techniciens de théâtre et avoir leur confiance, il aurait fallu davantage que de rappeler son interdiction au prédicateur extrémiste égyptien Wajdi Ghanim de donner une conférence à la maison de la culture de Béja», s’indigne un comédien. Il enchaîne : «Le ministre ne cesse de dire qu’il n’était pas au courant de l’autre manifestation des salafistes à l’avenue Habib Bourguiba. N’en a-t-il pas été informé par son homologue de l’Intérieur ? Les ministres ne communiquent-ils pas entre eux ? Le ministre de l’Intérieur ne savait-il pas, lui aussi, que les deux rassemblements se dérouleraient en même temps et dans le même espace ?»

Mehdi Mabrouk sur la scène du 4ème art

Ecoeurés par tant d’irresponsabilité et de laxisme, les acteurs se demandent aujourd’hui si un acteur en Tunisie est appelé à se cacher. Etre acteur ou artiste est-il devenu un crime dans ce pays ? Les acteurs ont vraiment peur. Ils ont peur que le théâtre s’éclipse un jour devant le courant salafiste que le gouvernement regarde agresser sur la place publique (les cinéastes, les journalistes, les hommes de théâtre, etc.) tout en fermant les yeux et en restant les bras croisés.

«Le ministère de la culture représente notre maison, notre refuge, notre soutien, il doit nous protéger et défendre nos droits et notre existence», crient les acteurs en chœur !