A Tunis-Marine, pas loin du pont de la République, une première fresque murale tout en tags sera prête vendredi en fin d’après midi. Signée Kif Kif, une association tuniso-française.
Par Zohra Abid
Née en juin 2011, l’association Kif Kif, sponsorisée par la Fondation de France, vise à promouvoir les arts dans la cité. Mais elle vise surtout la familiarisation de la rue avec toutes les disciplines artistiques. Ses membres ont une moyenne d’âge de 30 ans et leur cible : les jeunes.
L’idée est tunisienne
«Avec des amis français de l’association ‘‘Courant alternatif’’ (cinéma, musique, arts plastiques, chorégraphie, animation…), nous avons discuté de ce projet depuis 2007. Mais ce n’était possible. L’art urbain, on le sait, n’avait aucune chance d’exister. Avant le 14 janvier, notre association n’avait pas le droit de voir le jour. Puis, tout à coup, c’est la révolution, c’est la liberté. En juin dernier, avec nos partenaires français, nous avons mis en forme notre projet qui a mûri depuis qu’on en a parlé», raconte à Kapitalis, Yasser Jeradi, président de Kif Kif Tunisie.
Yasser Jeradi, président de Kif Kif Tunisie
«Nous voulons promouvoir l’art dans toutes les cités, surtout à l’intérieur du pays, et ainsi le démocratiser. C’est pour que l’art ne reste pas confiné dans des espaces couverts, et que l’on puisse toucher toutes les franges sociales. C’est pour aller vers les autres», a confié M. Jeradi.
Après la manifestation de Tunis, le jeune artiste compte prendre la route vers les régions. Quant et où ? «20 jours avant Ramadan (fin juillet, Ndlr), une caravane culturelle partira sur les routes et fera escale dans 20 villages. Au programme : animations pour enfants, projection de films, musique, chant et danse», répond le président de Kif Kif Tunisie.
Le mur de l'usine désaffecté s'illumine
Avez-vous peur des extrémistes religieux qui pourraient être des troubles fêtes dans cette manifestation ? «Au contraire, parmi ces jeunes, plusieurs sont des victimes et le fait qu’ils voient cette fresque et qu’ils assistent à des manifestations culturelles va les aider, par la force des choses, à changer et à reprendre goût à la vie, à s’accrocher, à aimer l’art visionnaire et à changer de direction et d’esprit. Vers un avenir serein, libre, tolérant», ajoute M. Jeradi. Selon lui, l’œil s’habitue au beau, à la musique, à l’art d’une façon générale. Autrement dit, l’art adoucit les mœurs.
Tagueurs, à vos talents !
Comme Yasser, un cinéphile averti, la secrétaire générale, Hind Tekaya, une étudiante en médiation culturelle à l’Institut des langues vivantes de la Cité El Khadhra, a de la suite dans les idées. «Il s’agit de notre première manifestation. Après avoir eu l’autorisation des autorités, le patron de cette usine (désaffectée, Ndlr) nous a permis de mettre en couleurs le mur long de 130 mètres», raconte Hind avec un petit sourire enjôleur. Et d’ajouter que «le thème de cette fresque est libre. A chaque tagueur sa sensibilité. Mais nous ne faisons pas de politique. Ceux qui veulent s’exprimer en politique, ils ont leurs colonnes sous le pont d’en face. Eux se défoulent à leur manière».
Claude Danrey, président de Kik Kif France
Au total, 6 tagueurs mettront des couleurs sur le fond d’un mur bleu ciel : 4 Tunisiens (Jaouher Soudani alias Vajo, Hafedh Khdhiri, alis Skone, Mohamed Kilani, alias Kim et Îsmet Ben Moussa alis Sim) et 2 Français, Christophe (alias Pest 19) et Dominique (alias Dum 19).
«Graff et Street Art»
A même le sol, sous un soleil de midi, les tagueurs ont mis leurs tubes et flacons (le matériel a coûté la bagatelle de 1.500 dinars) et commencé à imaginer leurs croquis. «J’ai connu ces jeunes, il y a près de 6 ans, dans différents clubs notamment de cinéma. Mon idée à moi c’est d’accompagner les jeunes afin qu’ils se familiarisent avec les arts. Et c’est loin de tout courant politique», a précisé Claude Danrey, président de l’association Kif Kif France.
Sous le pont, une autre expression...
Le doyen de Kif Kif se présente à la fois comme réalisateur de télévision, homme de radio et journaliste. Il est de l’Île de France (de la banlieue sud de Paris près d’Orly). Il est venu à Tunis pour une semaine, le temps de participer au lancement des activités de Kif Kif, qui a déjà prévu, les 29 et 30 mars, son Graff et Street Art, une première à Tunis Marine, et pour terminer en beauté son séjour et le mois : une rencontre de presse avec débat et concert le 31 mars à El Téatro.
On mélange les couleurs
Ce n’est qu’un premier pas «en attendant que des sponsors tunisiens se manifestent. Je viens d’avoir l’OK, j’attends la confirmation par des gestes», a conclu le président de Kif Kif Tunisie qui vient de donner le coup d’envoi aux tagueurs.
Les formes et les couleurs commencent à se révéler sous le soleil printanier. Les piétons et les automobilismes jettent, en passant, des regards curieux, mais amusés et parfois complices. Susciter la curiosité, attirer les regards distraits, mettre un peu de couleur et de lumière pour égayer les longues journées de travail : voilà l’objectif recherché par Kif Kif.