Entretien avec Lydia Chabert-Dalix, auteur de ‘‘Bouazizi, une vie, une enquête’’, qui a participé au Festival de la Révolution, organisé dimanche et lundi à Tunis par des jeunes de la ville de Regueb.
Propos recueillis par Mourad TeyebDans un livre intitulé ‘‘Mohamed Bouazizi… une vie, une enquête’’, Lydia Chabert-Dalix, une journaliste et conteuse iséroise (France), a voulu rendre hommage à l’icône de la Révolution tunisienne, celui qui a déclenché toute une série d’émeutes populaires contre les dictatures arabes.
En marge du festival de la Révolution, organisé dimanche et lundi à Tunis par des jeunes et des activistes de la ville de Regueb, elle a parlé à Kapitalis de son livre.
D’une graine, on sème l’arbre du futur
Quand le régime de Ben Ali est tombé, Lydia a décidé de partir en Tunisie pour rendre visite à des amis et pour voir de plus près la réalité de cette révolution. Elle est allée à Sidi-Bouzid pour découvrir les conditions de vie et rencontrer les proches de Bouazizi.
«Je me trouvais dans un état de survie, mais j’ai tenu à partir», se souvient-elle. Victime d’un accident cardio-vasculaire, elle était interdite d’avion. Mais son envie de journaliste l’a remporté. «J’ai voulu relayer la réalité; il fallait que je comprenne».
De son mari, «le paysan, l’agriculteur», elle a appris que c’est d’une graine qu’on sème l’arbre du futur. «Je n’ai pas pu entrer dans le jardin secret de Bouazizi, parce qu’il était mort. J’ai compris qu’il n’a rien d’autre à créer; il a donné son corps».
Lydia, aujourd’hui l’une des amies (occidentales) les plus proches de la famille Bouazizi et des habitants de Sidi-Bouzid, parle de Mohamed, de sa mère Mannoubia et de son père Taïeb avec beaucoup d’admiration et de sympathie.
Elle est convaincue que, tout en ayant ses défauts et ses limites, Mohamed Bouazizi est bel et bien un martyr, LE martyr de la Révolution tunisienne. «Il n’est ni alcoolique, ni bagarreur, ni un clochard comme certains ont voulu le décrire», assure-t-elle.
Depuis Cité Ennour, à Sidi-Bouzid, «j’ai raconté l’histoire d’un homme, devenue l’histoire d’un pays», ajoute Lydia, avec une fierté et une admiration étonnantes car dignes d’une tunisienne patriotique.
Lydia Chabert-Dalix.
Ni chômeur ni diplômé, ni religieux ni laïque
‘‘Mohamed Bouazizi… une vie, une enquête’’ est le fruit de plusieurs témoignages et d’analyses de faits, explique Lydia Chabert-Dalix. «Ce que j’ai recueilli dans ce livre est ma lecture des faits, ma vérité discutable et ouverte aux discussions».
Dans cet ouvrage, l’auteur dévoile la vie de Bouazizi qui se prénommait Tarak en hommage à un footballeur connu, la mort de son père qui avait fait basculer sa vie et sa «complicité joyeuse» avec son frère aîné Salem.
On y lit aussi: «Enfant, (Mohamed) était la voix d’un père mort très jeune, qu’il passait ses heures à piéger les oiseaux, qu’il était doué pour les mathématiques, qu’il n’avait jamais cessé de travailler, qu’il ne fut ni amoureux, ni solitaire, ni chômeur, ni diplômé, ni religieux, ni laïque».
Bribes d’une vie plus qu’une biographie, comme Lydia tient à le souligner, ce livre est chargé d’émotions, de vérités et du sens des mots.
A travers l’histoire de Mohamed Bouazizi, écrit l’éditeur, «nous apprenons et surtout nous éprouvons, au-delà de toute analyse des faits, pourquoi cette Révolution était devenue fatale, déjà inscrite dans la chair».
Festival Révolution de Regueb.
2e Festival de la Révolution de Regueb
Le comité du Festival de la Révolution de Regueb (Sidi-Bouzid) a eu la géniale idée d’organiser la deuxième édition des journées culturelles «Pour qu’on oublie pas» (Hatta La Nanssa).
Co-organisé par la société Soula Coaching à l’occasion de la célébration de la Fête des martyrs, l’événement a eu lieu le dimanche 8 et le lundi 9 avril courant, dans le bel espace du complexe commercial Soula Park à Lafayette, Tunis.
Le programme a été des plus variés. De l’exposition de l’association Citoyenneté sur les événements du 9 janvier 2011 à Regueb à la pièce de théâtre ‘‘Vendeuse d’allumettes’’ (une production de l’association des diplômés de l’Isad) en passant par la présentation du livre ‘‘Mohamed Bouazizi… une vie, une enquête’’ de Lydia Chabert-Dalix, la musique de tous genres, la projection d’une pléiade de films assez intéressants, et un atelier de la céramique animé par Mohamed Hachicha et Mohamed Mannai, tout y était.
Deux séminaires ont été au menu du lundi: le premier, sous le thème «l’emploi mérite de la Révolution», dirigé par Hafedh Ateb, et un autre a débattu du «9 avril: martyrs et symboles», animé par Laroussi Amri, chercheur et universitaire.
A noter que la première journée de l’événement a connu un franc succès populaire et que la quasi-totalité du programme a été diffusée en mode live-streaming sur le site du festival.
M. T.