La Tunisie va-t-elle ou non extrader l’ancien Premier ministre de Kadhafi en Libye? Le gouvernement et la présidence de la république disent être d’accord sur ce sujet, mais le sont-ils vraiment?


«La Tunisie ne va pas extrader Baghdadi Al-Mahmoudi, dernier Premier ministre libyen sous le régime de Kadhafi, sauf si la Libye fournit les garanties d’un procès équitable», a affirmé le porte-parole officiel de la présidence de la République Adnène Manser. «De surcroît, la Tunisie ne livrera pas Al-Mahmoudi, si elle perçoit un danger pour sa vie», a-t-il ajouté.

Le fonctionnement de la justice libyenne en question

«L’accord de la Tunisie avec la Libye à ce sujet est préliminaire», a-t-il indiqué, précisant que l’extradition d’Al-Mahmoudi est soumise à des conditions dont la constitution d’une commission tunisienne qui aura pour mission de vérifier le bon fonctionnement de la justice libyenne et de veiller sur le respect de l’intégrité physique et morale d’Al-Mahmoudi.

Le président de la République provisoire Moncef Marzouki et son prédécesseur ont refusé de signer la décision d’extradition de l’ancien Premier ministre libyen, a-t-il souligné, rappelant que la décision de son extradition a été prise à l’époque du gouvernement de Béji Caïd Essebsi.

Une source informée auprès du ministère de la Justice, citée par l’agence Tap, a cependant confirmé la décision du gouvernement d’extrader Baghdadi Al-Mahmoudi, à condition de garantir les attributs d’un procès équitable.

Cette décision intervient en réponse à une demande libyenne lors des dernières concertations bilatérales qui se sont déroulées au cours de la visite du chef du gouvernement de transition libyen Abderrahim Al-Kib, la semaine écoulée.

«Les procédures peuvent prendre du temps, dès lors qu’elles dépendent de la finalisation de son dossier et des formalités de son extradition», a ajouté la même source.

M. Manser se cache derrière son petit doigt

C’est donc juste une affaire de temps, le principe étant acquis, l’accord avec les Libyens déjà passé et la décision prise. Où est donc le problème? Pourquoi M. Manser cherche-t-il à se cacher derrière son doigt en invoquant l’histoire des «garanties d’un procès équitable» et d’une soi-disant «commission tunisienne pour vérifier le bon fonctionnement de la justice libyenne»? Qui croit-il impressionner par ces histoires à faire dormir debout? Voit-il sérieusement les Libyens, que les Tunisiens sollicitent pour des aides et des investissements, accepter de faire juger l’état de leur justice par… une commission tunisienne?

Pour Me Mabrouk Kourchid, avocat d’Al-Mahmoudi, «la décision d’extradition a été émise d’une autorité non compétente, en faisant allusion au gouvernement», rappelant que Moncef Marzouki avait confirmé que la Tunisie ne va pas extrader Al-Baghdadi Al-Mahmoudi. Il a également accusé le gouvernement d’outrepasser les prérogatives du président de la république.

Cette décision, a-t-il estimé, vise à sonder la réaction de la société civile, appelant, à ce propos, «les défenseurs des droits de l’homme à faire preuve de vigilance».

«Pourquoi la Tunisie livrerait-elle Baghdadi Al-Mahmoudi alors que plusieurs pays tels le Niger, le Mali et l’Algérie n’ont pas manifesté leur intention d’extrader des responsables libyens?», s’est-il interrogé.

L’avocat d’Al-Mahmoudi a mis en garde contre un éventuel conflit tribal notamment dans le sud tunisien en cas d’extradition de Baghdadi Al-Mahmoudi, précisant que ce dernier appartient à une tribu libyenne située à proximité de Ben Guerdane.

Baghdadi Al-Mahmoudi a entamé depuis samedi une grève de la faim à la suite de la déclaration du chef du gouvernement provisoire Hamadi Jebali qui avait fait miroiter aux responsables libyens la possibilité de son extradition, a indiqué l’avocat.

I. B. (avec Tap).