Le président de la république suit son étoile aux cinq libertés pour réaliser son rêve de dynamiser l’Union du Maghreb Arabe (Uma). Il a annoncé, vendredi, un sommet le 10 octobre 2013. Faut-il croire à sa baraka?
Par Thameur Mekki
«Nous avons besoin, messieurs, de regarder autour de nous pour voir les avantages de la coalition régionale et voir les inconvénients de l’enchevêtrement. Nous n’avons plus beaucoup de temps. Nous n’avons absolument pas de temps à perdre», a affirmé M. Moncef Marzouki dans son allocution d’ouverture de la conférence sur «Les cinq libertés au Maghreb arabe: une vision fusionnelle», tenue au Palais de Carthage vendredi.
Les libertés de circulation, de résidence, de travail, d’investissement et du vote aux élections municipales pour les citoyens maghrébins constituent le principe que cherche à promouvoir le président tunisien pour dynamiser l’Uma. «Notre proposition a été bien accueillie par nos frères d’Algérie, du Maroc, de la Libye et de la Mauritanie. La date prévue pour le prochain sommet de l’Uma est le 10 octobre 2013», a cru pouvoir annoncer M. Marzouki.
Moncef Marzouki fait son énième plaidoyer pour le Maghreb
«Une opportunité historique»!
«Au nord du Maghreb, il y a l’Union Européenne (UE) et son Conseil. Au sud, il y a la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao). A l’est, il y a le Conseil de coopération du Golfe (Ccg). Les Etats du Maghreb sont face à un enjeu historique, celui de renforcer leur union», a renchéri Khaled Zitouni, directeur général des affaires arabes et islamiques au ministère des Affaires étrangères tunisien. «Notre vision [Etats du Maghreb, Ndlr] ne dépasse pas souvent les frontières de chacun de nos pays», ajoute-t-il, en insistant sur «la nécessité de la volonté politique». Et de relever que le contexte actuel représente «une opportunité historique». «La Révolution tunisienne est le fer de lance de cette dynamisation des rapports intermaghrébins. Un certain nombre des pays de la région a vécu, pour la première fois, des élections transparentes qui imposent une nouvelle légitimité ainsi que la montée d’une nouvelle classe politique», argumente-t-il, tout en rappelant les nombreuses visites effectuées par des représentants des gouvernements des Etats maghrébins en Tunisie, depuis l’arrivée à la magistrature suprême de M. Marzouki, et ses déplacements en Mauritanie, en Algérie, au Maroc et en Libye.
«Le monde a été bouleversé au 18e siècle par la révolution française et au 20e par les révolutions russes et chinoises. Le 21e siècle a commencé avec la révolution tunisienne. Nous devons prendre conscience de son importance et son impact», a relevé M. Zitouni, un tantinet lyrique.
Le diplomate a évalué les investissements intermaghrébins en dressant un bilan chiffré, plutôt faible, avant de clôturer son intervention en évoquant «l’émergence d’une conscience nouvelle et de représentations politiques inédites». Il a également souligné «le danger du salafisme extrémiste ainsi que celui de la contrebande».
Les intervenants de la première séance
Théoriquement, oui. Pratiquement, heuu !
De son côté, Omar Boubakri, représentant du Programme des Nations unies pour le développement (Pnub) en Tunisie, a focalisé son intervention sur «la participation des étrangers aux élections municipales dans les pays de résidence à travers les expériences internationales». Il a commencé par présenter la question du point de vue de la philosophie des droits de l’Homme et dresser un état des lieux de cette cause à l’échelle internationale.
M. Boubakri a appuyé son plaidoyer pour le droit de vote des étrangers dans les pays de résidence en rappelant l’expérience des citoyens européens vivant dans un autre pays de l’UE ou encore celle des originaires des pays du Commonwealth résidents au Royaume Uni. Il a aussi rappelé et salué le fait que le Maroc a inscrit ce droit dans le nouvel article 30 de sa constitution amendée en juillet 2011.
Le juriste Issam Lahmar s’est penché, quant à lui, sur «la liberté de circulation de la main d’œuvre dans l’Uma du point de vue des lois en vigueur». «Nous ne trouvons aucun texte de loi au sujet des travailleurs maghrébins dans la législation tunisienne», a-t-il indiqué. «La pensée et les moyens sont là. Il suffit d’en faire usage», a commenté, pour sa part, Boujemâa Remili, qui partagé avec l’audience intitulée une étude sur «l’intégration économique régionale: l’exception maghrébine». «Durant les quelques décennies passées, plus de 200 groupes économiques internationaux ont été constitué. Nous sommes très en retard sur ce qui se passe dans le monde».
Intervenant en sa qualité d’expert international, M. Remili, également leader au Mouvement Ettajdid, a assuré qu’une coalition économique maghrébine «pourrait atteindre le même niveau d’échange entre les pays de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean)».
M. Marzouki entouré de ses invités
La dernière intervention de la séance matinale était celle de Saâd Eddine El-Othmani, ministres des Affaires étrangères et de la Coopération du Maroc. «La construction de l’Uma a besoin d’une volonté politique. Il y a une amélioration sur ce plan. Je ne dis pas que cette volonté est accomplie. Mais il y a une évolution», a-t-il lancé aux diplomates et hommes d’affaires maghrébins réunis au Palais de Carthage.
Reste à savoir si l’axe Algérie-Maroc, comparé par Boujemâa Remili à celui franco-allemand dans l’Union européenne, décidera de dépasser ses vieux litiges. Ce ne sont pas les propos, très diplomatiques du ministre marocain, qui vont rassurer M. Marzouki quant à la tenue du prochain sommet de l’Uma à la date indiquée ci-haut, sachant que le dernier sommet régional s’est tenu à Tunis en… 1993.