Observant leur marche du 2 juin étouffée dans l’œuf, les organisateurs ont tenu une conférence de presse interrompue au bout de 30 minutes quand certains ont tenté de manifester. Reportage.
Par Thameur Mekki
«Nous avons une Assemblée nationale constituante (Anc) dont les membres des blocs de l’opposition sont aussi indignés que nous contre la dégradation de la situation et les attaques perpétrés par des groupes salafistes contre les citoyens et les journalistes», lance Fatma Ghorbal Ben Lassoued, secrétaire générale de «Femmes et dignité» lors d’une conférence de presse tenue samedi matin, à partir de 11h15, à la salle de cinéma Le Mondial, au centre-ville de Tunis.
«Pourquoi ne demandent-ils pas une audience au ministre de l’Intérieur? Pourquoi ne bougent-ils pas pour retirer la confiance à ce gouvernement qui ne nous protège pas?», a-t-elle ajouté en la présence d’Emna Menif, présidente de l’association Kolna Tounes et Dalila Msaddek, porte-parole du réseau Doustourna.
Certaines figures politiques de l’opposition à l’instar de Maya Jribi et Issam Chebbi du Parti Républicain y étaient aussi.
Conférence avortée
Baptisé «Mouvement du 2 juin», cette coalition associative, fraîchement née, a rassemblé plusieurs autres militants de la société civile réunis autour du slogan «Stop! Kafa!». Ils se sont succédé à la parole durant la conférence. C’est notamment le cas d’Aymen Rezgui, rédacteur en chef de la chaîne Tv El Hiwar Ettounsi et membre du bureau exécutif du Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt). Le jeune journaliste a rappelé les attaques perpétrées, quotidiennement, contre les équipes de cette chaîne tv dans les différentes régions du pays depuis plus de deux semaines sans oublier le saccage de ses locaux à la Manouba durant la nuit du samedi 26 au dimanche 27 mai.
«Nous venons d’apprendre que la police vient tout juste d’agresser quelques citoyens qui se sont rassemblés à l’Avenue Bourguiba, devant la cathédrale», a annoncé Mme Ghorbal Ben Lassoued vers 11h45. Aussitôt, un homme a appelé la foule présente dans la salle à gagner la rue. «Qu’est que nous continuons à faire ici? Il faut sortir toute de suite», a-t-il clamé. Certains se sont précipités à quitter la salle alors que d’autres ont préféré y rester par adhésion à la demande des organisateurs. La division et l’anarchie y règnent.
Interdiction bravée
Vers midi, dès qu’on quitte la rue Ibn Khaldoun et arrive à l’Avenue Bourguiba, les cris des manifestants clamant «Ni peur, ni terreur. Le pouvoir est au peuple!» au niveau de la statue d’Ibn Khaldoun commencent à se faire entendre. Faisant un barrage à environ cinq mètres des manifestants, les forces de l’ordre se servent d’un mégaphone, vers 12h15, pour lancer «un premier avertissement, avant de faire recours à la force pour disperser le rassemblement». Un homme dont en chemise déchirée est déchaîné.
C’est que de légères altercations ont déjà eu lieu entre quelques éléments qui se sont introduits dans la foule et les agents de la sécurité publique. «Les journalistes sont priés de se mettre derrière la police. Je le répète…DERRIERE LA POLICE», appelle un policier haut gradé. Les manifestants continuent à revendiquer «le droit de manifester». Face au barrage des forces de l’ordre, ils chantonnent l’hymne national tunisien.
Les policiers se mettent en ordre. Ensuite, passage à l’offensive. Les manifestants sont dispersés. Mais ils se rassemblent en petites foules sur les trottoirs de l’Avenue Bourguiba. La police continue à les pourchasser. La majorité des protestataires se réunissent devant le deuxième barrage policier au niveau du Café l’Univers. Obstruction. «Liberté, liberté», clament les manifestants dont certains sont distraits par des individus plus ou moins violents immiscés dans la foule pour «défendre le gouvernement élu et légitime».
Petit-à-petit, à l’insistance des policiers, le rassemblement se dissipe vers 13h15. Calme précaire à l’Avenue Bourguiba. «Si j’en aurai attrapé un, je lui aurais appris à ce que ça vaut de nous casser les pieds pendant 1h30», dixit un policier à un de ses collègues en se mordant la langue.
Credit photo : Mohamed Mdalla