Béji Caïd Essebsi est en forme: il l’a encore démontré samedi dernier. Mais son initiative politique,qui ne manque pourtant pas de punch, est déjà boiteuse et inquiétante par certains côtés.

Par Jamel Dridi


Il paraît que Rafik Abdesselem n’en dort plus et fait même des cauchemards de Beji Caid Essebsi. Il  se mord les doigts d’avoir provoqué le vieux lion. Pourtant beau papa Rached l’avait averti. «Attention, ‘‘Si’’ Beji, il est comme moi, on ne dirait pas mais c’est un vieux de la vieille. Un increvable, élevé au lait naturel de la ‘‘bazoula’’ maternelle et à l’énergie des céréales de la ‘‘bsissa’’». En plus, il lui avait rappelé le dicton tunisien qui dit: «Qui t’as précédé d’une nuit, t’as dépassé d’une ruse». Mais Rafik, jeune gladiateur qu’il est, n’a fait confiance qu’à ses muscles… et il le regrette. Avis aux jeune politiciens, méfiez-vous des vieux gladiateurs dans l’arène politique. Leur coup peuvent encore tuer.

Mais au delà du côté anecdotique de ce vieux renard de la politique, l’initiative actuelle de Beji Caid Essebsi (Bce) laisse perplexe et insulte même par certains côtés l’intelligence du peuple tunisien.

Le peuple de Caïd Essebsi.

Bce redonne vie au cadavre du Rcd

Ce 16 novembre, l’entrée de ‘‘Si’’ Béji dans la salle surchauffée du palais des congrès n’avait rien à envier à l’arrivée du boxeur en forme du moment sur la scène politique tunisienne. Pourtant un malaise était perceptible. D’ailleurs, tous ou presque, et les articles peuvent en témoigner, des journalistes présents, même ceux «favorables» à Bce, l’ont remarqué. L’ambiance sentait fortement le Rcd. A juste titre, car les anciens du Rcd n’étaient peut-être pas très nombreux, mais assez pour être visibles!

Bce vient sans doute là d’inoculer lui-même le virus mortel qui tuera, à un moment ou à un à autre, son mouvement. Comment en effet, à moins de prendre les Tunisiens pour des amnésiques, accepter cette tentative de redonner une virginité politique à ceux qui ont participé au système qui a blessé grièvement la Tunisie? Comment Bce peut il croire que la rue tunisienne acceptera le retour de ces damnés politiques de l’histoire tunisienne sans broncher?

Bce ou le syndrome de l’homme providentiel

Kamel Morjane, Ahmed Brahim, Taïeb Baccouche et les autres.

Autre inquiétude: la re-personnification de l’Etat tunisien. On n’y verra bien-sûr aucun lien de cause à effet mais Bce arrive, comme le sauveur, après une semaine de chaos sécuritaire dans les rues de Tunis.

Encore une fois, c’est sans doute un malheureux hasard auquel Bce n’y est pour rien. Cela dit, le fait que cet homme monte sur la scène politique, seul, en ces moments là, pour dire qu’il va sauver la Tunisie, rappelle de très mauvais souvenirs. Car ce qui a «tué» la Tunisie dans le passé, c’est que Bourguiba et Ben Ali ont cru qu’il étaient des petits dieu sur terre, qu’ils étaient à eux seuls toute la Tunisie, «tuant» tout concurrent ou contre-pouvoir politique alternatif. Ainsi, exit le parlement, exit la presse libre, exit toute forme élaborée et forte de société civile. Ils étaient seuls à diriger le pays transformant tout un peuple et tout autre acteur intellectuel ou politique en spectateur canichisé.

Bce se trompe donc en voulant apparaître aujourd’hui comme l’homme providentiel. Les Tunisiens n’en veulent plus de père protecteur politique, ils ne veulent plus de sauveurs mais veulent une équipe clairement identifiée quant à son nombre et ses compétences. Et c’est là où notre troisième point arrive car lié à celui-ci.

Bce, une «créature» politique de marionnettistes en coulisses?

De d. à g. Mondher Belhaj Ali, Faouzi Elloumi, Lazhar Karoui Chebbi, Noureddine Ben Ticha, Saïd El Aydi et les autres.

Bce a lancé un mouvement ou une multitude de présents s’additionnaient. Chefs de partis autres, hommes politiques de courants proches mais différents, hommes d’affaires, journalistes, etc., mais au-delà de tous ces soutiens où est l’équipe de Bce? Qui la compose? car les temps actuels ne supportent plus que l’on nous présente un «homme politique vitrine», fut-il ‘‘Si’’ Béji, sans que l’on sache qui est à la manœuvre derrière. Peut-être est il trop tôt et que toutes ces informations vont arriver? mais si c’est le cas, pourquoi alors demander qu’un gouvernement d’union nationale soit formé urgemment; car si ce gouvernement devait effectivement être formé demain, où sont les membres parmi l’équipe de Bce qui pourraient le composer?

Nous n’affirmons rien ici mais posons clairement cette question de qui finance et qui compose l’équipe de M. Caïd Essebsi? A lui d’éclairer les Tunisiens.

En conclusion, Bce doit et peut apporter des solutions à la Tunisie. Mais il doit le faire en tenant compte de l’avenir de ce pays. En s’éloignant du cadavre du Rcd qui bouge encore et en étant plus transparent quant à ses intentions politiques. A défaut, son initiative n’aura été qu’une étoile filante, une de plus, dans le ciel du tout jeune système politique tunisien.