La diplomatie tunisienne semble prendre conscience de la nécessité d’ouvrir une ambassade auprès de l’Union européenne afin de se rapprocher des institutions européennes et de mieux profiter des aides de Bruxelles.

Par Wajdi Khalifa, correspondant à Bruxelles


 

Nous apprenons d’une source digne de foi qu’une réunion de hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et de responsables du cabinet du chef du gouvernement, en fin de semaine dernière, à La Kasbah, a été consacrée aux modalités de création d’une  ambassade de Tunisie auprès de l’Union européenne (UE), à Bruxelles.

Un coup de pouce aux relations tuniso-européennes

L’idée d’ouverture d’une telle ambassade, déjà évoquée dans les années 80, a refait surface à la suite de la révolution tunisienne pour pouvoir donner un coup de pouce aux relations tuniso-européennes, fortement sous-investies sous Ben Ali, partisan du service minimum.

 

Hamadi Jebali et le président du Parlement européen, Martin Schulz,le 2 février à Bruxelles

La volonté de la Tunisie d’élargir sa relation avec l’UE en dépassant le cadre commercial de l’accord d’association vers le statut avancé doit s’accompagner d’une structure exclusivement orientée sur le 1er partenaire économique de la Tunisie.

Une ambassade fonctionnelle fondée sur le lobbying, la préemption des opportunités structurelles encore méconnues de la toile européenne, celles des régions d’Europe et les relations publiques en faveur de la Tunisie semblerait de plus en plus une nécessité.

L’indépendance budgétaire en question

Le tout est de savoir si cette ambassade devra être indépendante en matière budgétaire, pour son fonctionnement en tant qu’«ambassade de Tunisie auprès de l’Union européenne» – une telle ambassade étant vivement souhaitée par les dirigeants européens qui ont eu à s’exprimer sur ce sujet – ou si, pour des considérations financières, l’ambassade à Bruxelles deviendrait «ambassade de Tunisie auprès de l’Union européenne et du Royaume de Belgique» et serait maintenue en l’état, avec la création en son sein d’une plateforme Europe spécifique autrement plus efficiente.

Les deux options seraient possibles, mais elles seraient tributaires de la qualité et du savoir-faire en matière de lobbying du bénéficiaire qui serait retenu pour cette fonction.

 

Hamadi Jebali et le président du Parlement européen, Martin Schulz,le 2 février à Bruxelles

Le président Moncef Marzouki a regretté, dans un récent reportage de l’émission ‘‘Sarraha raha’’ sur la chaîne privée Hannibal TV, le fait que la Tunisie n’absorbe pas la totalité de l’aide européenne. Selon M. Marzouki, une délégation de parlementaires  européens lui aurait fait remarquer que la Tunisie n’utilise que 40% de l’aide disponible pour la Tunisie!

Le Maroc, qui dispose de cette ambassade ad hoc, a la meilleure capacité d’absorption de l’aide de l’UE. Concrètement, cela signifie que quand l’UE donne 100 euros au Maroc et à la Tunisie, le Maroc utilise dans son intégralité les 100 euros alors que la Tunisie n’en utilise que 40! Cela fait du Maroc le premier pays bénéficiaire de l’aide européenne.

Amélioration de la capacité d’absorption de l’aide européenne

Le Premier ministre Hamadi Jebali, qui avait choisi comme première visite officielle les institutions européennes, continue de plaider pour un «Plan Marshall» européen pour la Tunisie (Hamadi Jebali en France le 28 juin pour préparer l’avenir). Or comment l’UE, en pleine crise économique, va-t-elle investir en Tunisie en l’absence d’une structure chargée exclusivement des relations tuniso-européennes à l’image d’autres pays du sud de la Méditerranée (Turquie, Maroc…)?

Ce manque d’investissement dans les relations tuniso-européennes se manifeste par notamment le non-octroi à la Tunisie du statut avancé, et ce, un an et demi après la révolution.

Face à ces constats, qu’est ce qui empêche la Tunisie de renforcer son partenariat stratégique avec l’UE en créant cette ambassade?

L’ouverture d’un tel poste nécessite un budget et une stratégie clairs et définis. Il semblerait que ça soit au niveau du budget à débloquer que les choses freinent. Mais l’argument de l’impact sur les finances publiques de l’ouverture d’un tel poste est à relativiser par rapport à l’impact quasi immédiat sur les relations tuniso-européennes et sur notamment l’amélioration de la capacité d’absorption de l’aide européenne.

 

Hamadi Jebali et le président du Parlement européen, Martin Schulz,le 2 février à Bruxelles

Notons que cet argument  budgétaire a été mal reçu par les différents interlocuteurs européens surtout après l’annonce récente de la Tunisie de l’ouverture de nouveaux postes au Mexique et en Malaisie et dans d’autres pays.