Il est grand temps pour nos hommes politiques d’endosser le costume d’homme d’Etat. Il est grand temps d’envoyer une image claire aux Tunisiens et au monde international.
Par Jamel Dridi
Au-delà des raisons du conflit au sein de l’exécutif opposant le chef du gouvernement et le président de la république tunisienne, c’est l’image de la Tunisie qui est maintenant en jeu. Son image institutionnelle ainsi que sa crédibilité politique et diplomatique.
Des clashs à répétition par médias interposés
Dès le début, sans doute pour objecter immédiatement à leur surprenante association politique, les chefs de la «troïka», la coalition tripartite au pouvoir, ont médiatiquement fait savoir leur proximité qui allait notamment se matérialiser par une rencontre hebdomadaire «officieuse». En bref, l’idée était de montrer qu’en plus des rouages classiques de communication institutionnelle, Ennahdha, Congrès pour la République et Ettakatol, parleraient en direct ensemble au moins une fois par semaine pour se caler et être cohérent.
Aujourd’hui, on en est loin et ces «frères ennemis» se parlent maintenant par médias tunisiens interposés. Des membres d’une même équipe qui n’arrivent même plus, dans le petit périmètre de la capitale tunisienne, à se voir et à régler leur différends discrètement, et à lever leur linge sale entre eux, «ce n’est pas normal» pour reprendre une expression de la rue tunisienne!
Si ces hommes politiques ont voulu montrer un blocage institutionnel à la tête de l’Etat, d’ailleurs clairement signifié dans les faits par le refus du président de la république provisoire Moncef Marzouki de signer des engagements auprès du Fonds monétaire international (Fmi), on peut dire qu’ils y ont déjà réussi. Les Tunisiens en sont désormais conscients et leurs partenaires internationaux aussi d’ailleurs. Ce qui n’est guère rassurant aussi bien pour l’opinion locale qu’internationale.
Il faut donc arrêter d’urgence ce cirque à la tête de l’Etat tunisien. Soit les parties de la «troïka» vont dans la même direction, soit ce n’est pas le cas et ils doivent divorcer à l’amiable, tout en préparant des élections anticipées qui permettraient de redistribuer de manière plus claire les cartes du pouvoir.
Le cas du limogeage annoncé du gouverneur de la Banque centrale tunisienne (Bct) est un autre exemple criant des improvisations au sein de la «troïka» et, particulièrement, du pouvoir exécutif.
La complicité a cédé la place aux suspicions.
Mettre fin aux querelles fratricides
Cela fait 6 mois au moins que ce gouverneur est «remercié» et «réembauché» presque tous les deux jours, au moment même où notre pays a le plus besoin de stabilité, de cohérence et de visibilité pour rassurer ses partenaires internationaux. Quelle doit être la perplexité de ces derniers face à ces atermoiements? Soit Mustapha Kamel Nabli est compétent et on doit le laisser travailler. Soit il ne l’est objectivement pas et auquel cas l’on met définitivement fin à ses fonctions. Et si on lui reproche des manquements sérieux, on doit l’expliquer clairement aux Tunisiens.
Il est temps de calmer le jeu à tous les niveaux et d’arrêter de donner de notre pays une image de république bananière. Il est temps de reprendre ces fameux repas du mardi soir tout en invitant la prochaine fois le gouverneur de la banque centrale pour l’écouter et trancher dans un sens ou un autre.
Ennahda et le CpR devraient se rendre compte que la situation actuelle les fragilise fortement au grand bonheur de leurs détracteurs communs. Certains, qui n’ont jamais accepté le résultat des urnes en Tunisie et à l’étranger, n’attendent que ça!
Un Marzouki qui partirait maintenant serait politiquement mort et un parti Ennahdha sans son associé Cépériste n’apparaîtrait plus aussi démocratique qu’il le prétendrait. Bref, Marzouki et Jebali devrait se rappeler de ce vieux dicton tunisien: «Quand deux frères se battent, ce sont leurs ennemis qui sortent gagnants».