Malgré les annonces répétées de son limogeage, par les présidences de la république et du gouvernement, le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (Bct) continue d’assumer ses fonctions normalement.


En fait, la décision de son limogeage, annoncée à plusieurs reprises par le président de la république et les membres du gouvernement, qui a même fait circuler le nom de son probable successeur, tarde à être mise en route.

Que reproche-t-on au juste à M. Nabli

Pourquoi? Parce que la «troïka», qui semble reprocher à Mustapha Kamel Nabli d’être le beau-frère de Kamel Letaief, l’homme de l’ombre et faiseur de roi, dont les manœuvres sont redoutées par Ennahdha et ses alliés, plus peut-être que la gestion technocratique des équilibres financiers du pays par l’actuel gouverneur.

En démentant, lundi, le limogeage de M. Nabli, annoncé ces derniers jours par la présidence de la république dans un climat de tension au sein du pouvoir, le ministre des Affaires économiques Ali Saïdi, a ajouté encore du piment à cette affaire.

Dans un entretien à l’Associated Press, M. Saïdi a, en effet, assuré qu’il y avait eu juste des discussions sur le rôle du gouverneur de la Bct entre le chef de l’Etat, le Premier ministre et le président de l’Assemblée nationale constituante (Anc).

Le président Moncef Marzouki «était déterminé à limoger M. Nabli, mais le chef du gouvernement n’était pas d’accord. Il a y eu des discussions mais pas de décision prise», a précisé M. Saïdi.

Selon lui, l’annonce de ce limogeage était liée à l’extradition la semaine dernière vers Tripoli de l’ancien Premier ministre libyen Baghdadi Mahmoudi. «C’était une réaction du chef de l’Etat qui considérait que l’extradition était une décision unilatérale prise par le chef du gouvernement», a-t-il reconnu.

En d’autres termes, M. Marzouki a fait payer à M. Nabli ce qu’il a considéré comme une atteinte à ses prérogatives de la part du… chef du gouvernement.

Quoi qu’il en soit, le gouvernement semble vouloir esquisser un recul concernant cette affaire de limogeage de Nabli, ayant pris peut-être conscience de l’impact négatif d’une telle décision sur les relations de la Tunisie avec ses partenaires et bailleurs de fonds internationaux qui tiennent M. Nabli pour le garant de l’indépendance de l’Institut d’émission et de la bonne gouvernance financière en cette délicate période transitoire.

Calmer la situation et trouver un compromis

Cette affaire illustre, en tout cas, les tensions nées au sein de la «troïka», la coalition tripartite au pouvoir, issue des élections d’octobre dernier, et qui regroupe le parti islamiste modéré Ennahdha, large vainqueur du scrutin, allié avec deux formations de centre-gauche: le Congrès pour la république (CpR) de Marzouki et Ettakatol (Forum démocratique pour le travail et les libertés, Fdtl) de Mustapaha Ben Jaâfar, qui préside l’Anc.

M. Saïdi a observé qu’après le refus du président Marzouki de signer le décret d’extradition de l’ancien dignitaire libyen, le tribunal administratif avait tranché en jugeant que le Premier ministre Jebali était habilité à prendre cette décision. Le ministre a toutefois fait état de discussions en cours avec le CpR de M. Marzouki «pour calmer la situation et trouver un compromis».

I. B. (avec AP)