Dans la perspective des élections à venir, il serait important que les instances de contrôle, telles la Cour des comptes et l’Isie, bénéficient de pouvoirs de sanctions en cas de fraudes, pouvoir dont elles ne disposent pas pour l’instant.
Par Myriam Amri
Un séminaire sur le financement des campagnes électorales s’est tenu, mardi, à l’hôtel Africa de Tunis. Il s’agissait de confronter l’expérience des dernières élections tunisiennes au savoir-faire international dans ce domaine.
Ce séminaire, organisé par la Fondation internationale pour les systèmes électoraux (Ifes) et la Cour des comptes, en partenariat avec le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) et la délégation de l’Union européenne en Tunisie, a aussi été l’occasion d’exposer le rapport de la Cour des comptes sur le financement des campagnes électorales des élections de l’Assemblée nationale constituante (Anc), le 23 octobre dernier. La version finale de ce rapport sera présentée aux membres de l’Anc au cours de la semaine prochaine.
Kamel Jendoubi, président de l'Isie de 2011.
Pas d’ingérence du gouvernement
Le contrôle de la campagne électorale pour les élections d’octobre 2011 s’est fait sous l’égide de deux instances : l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) et la Cour des comptes, chargée uniquement de la question du financement.
Dans son allocution d’ouverture du séminaire, le chef du gouvernement a évoqué les difficultés qui ont émaillé le dernier processus électoral qui s’est toutefois soldé par ce qu’il est convenu d’appeler «une grande réussite pour la Tunisie», donnée désormais en exemple pour les autres pays en matière d’élections libres, pluralistes et transparentes.
Hamadi Jebali a longuement salué le travail de la Cour des comptes, qui a assuré le contrôle des financements des campagnes électorales lors de ces élections, assurant que son gouvernement soutiendrait cette institution et le contenu de son rapport «sans ingérence».
Enfin, M. Jebali a insisté sur la nécessité de lier le financement des campagnes à celui des partis afin qu’un contrôle permanant puisse être garant de la transparence de la politique tunisienne dans son ensemble.
Elections de l'Assemblée constituante,le 23 octobre 2011.
Seul 32% des comptes bancaires des partis contrôlés
Le séminaire a été marqué par des présentations d’une vingtaine de minutes, suivies d’une série de questions-réponses à la fin de chaque session.
Les différents intervenants ont d’abord salué le cadre juridique du financement (les décrets lois votés par l’Anc) qu’ils ont qualifié d’ambitieux et de conforme aux normes internationales malgré des imprécisions dues à son caractère d’urgence.
Cet aspect «urgentiste» de la législation fut un des nombreux problèmes soulevés lors du séminaire, comme ce fut le cas pour l’un des décrets lois voté trois jours avant le début de la campagne électorale, ce qui a limité le potentiel de contrôle pré-campagne.
Bureau de vote à Tunis, le 23 octobre 2011.
Le rapport de la Cour des comptes a aussi dévoilé quelques irrégularités dans le financement de la campagne. Sans dévoiler le nom des listes électorales en faute, celle-ci a avoué, par exemple, n’avoir eu accès qu’à 32% des comptes bancaires de tous les partis candidats aux élections et n’avoir pas pu contrôler les financements venants de l’étranger.
Si ce séminaire a permis de mettre en lumière les enjeux techniques et juridiques qui transparaissent derrière tout processus électoral, il convient tout de même de noter que, dans la perspective des élections à venir, il serait important que des instances telle que la Cour des comptes ou l’Isie bénéficient de pouvoirs de sanctions si elles constatent des fraudes, pouvoir dont elles ne disposent pas pour l’instant, comme l’ont déploré de nombreux intervenants.