Si l’actuel chef d’Etat français cherche à écrire «une page nouvelle» des relations franco-arabes, il serait intéressant de voir comment va-t-il effectuer ce passage d’une théorie réussie à une praxis toujours plus compliquée.

Par Myriam Amri


Le gouvernement Hollande vient de lancer son offensive politique étrangère. En rupture avec l’ère Sarkozy, la diplomatie française vient de relancer ses amarres dans le monde arabe. Le premier acte de cette réconciliation franco-arabe, après les dérives de l’ancien gouvernement, a pris la forme d’un discours de Laurent Fabius, nouveau résident du Quai d’Orsay, le 27 juin, à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris.

De la Nahdha à la «karama»

A travers ce discours intitulé «La France et le nouveau monde arabe», le nouveau ministre des Affaires étrangères réussit un tour de maitre.

Extrêmement précis sur les faits, Fabius décrypte les évènements de la région, évoquant les révolutions arabes qu’ils présente comme les révolutions de la «karama» (dignité), réalisées «grâce à une alliance inédite entre la jeunesse, les classes moyennes et les militaires».

Abordant «un mouvement de modernisation et démocratisation» au Maroc et en Jordanie, Fabius reste vague quant à l’Algérie disant «espérer que le nouveau parlement mettra rapidement en œuvre les réformes attendues.»


Francois Hollande: les amitiés douteuses avec les dictatures font-elles définitivement partie du passé?

Inscrivant le printemps arabe dans la continuité du mouvement de la Nahdha (renaissance) du XIXe siècle, le ministre des Affaires étrangères souligne clairement que «l’appartenance à l’islam n’a rien d’incompatible avec l’aspiration démocratique», affirmant ainsi son soutien aux régimes islamistes qui se sont installés dans la région la faveur du printemps arabe.

Le discours dresse ainsi un portrait précis et clairvoyant des différentes dynamiques du monde arabe fait d’espoirs, celle de la chute d’un «mur de la peur» mais aussi de craintes, évoquant l’instabilité de la situation libyenne et le danger de révolutions volés.

Une nouvelle ligne ferme et pragmatique

Déplorant l’attitude de l’ancien gouvernement comme «le rendez-vous manqué du gouvernement français» qui a «déçu» au Maghreb, le ministre français des Affaires étrangères appelle à une nouvelle ligne de conduite «ferme et pragmatique». Il définit cette nouvelle politique étrangère sous quatre principes: le refus de l’usage de la violence contre le peuple, la défense des droits fondamentaux, le respect du pluralisme et des droits des minorités et la nécessité de réformes en profondeur afin de répondre aux attentes économiques et sociales des populations.

Laurent Fabius présente les actions de sa politique en trois temps, d’abord un court-terme «fixé par les urgences» de l’actualité et où la France œuvrera en collaboration avec les partenaires régionaux et internationaux.


Laurent Fabius: une relation d'égal à égal et fondée sur le respect mutuel.

Dans un «moyen terme», le ministre des Affaires étrangères pose le soutien au processus démocratique comme «la colonne vertébrale» de la diplomatie française, diplomatie sans «paternalisme prorévolutionnaire» ni laxisme envers les dérives dictatoriales évoquant ainsi la nécessité du respect des libertés fondamentales et de l’alternance politique. Il assure aussi le soutien français à travers l’économie et l’éducation, avec par exemple la nécessité d’un appui à la croissance tunisienne pour contrer le chômage des jeunes.

Enfin dans une perspective de long terme le ministre évoque un «grand ensemble euro-méditerranéen» qui ne passera pas par l’Union pour la Méditerranée (UpM), initiative mort-née pour le ministre et qui n’a pas «survécu aux premières difficultés».

Abordant la responsabilité de la France vis-à-vis du Maghreb le ministre des affaires étrangères a offert son soutien à la relance de l’Union du Maghreb arabe (Uma), possible grâce au «réchauffement algéro-marocain» et au «fort volontarisme tunisien», par allusion à l’activisme du président de la république en faveur de la tenue, en octobre prochain, d’un sommet des 5 chefs d’Etat de la région, sommet qui n’a pu être organisé depuis 1994.

Si la politique étrangère de l’actuel chef d’Etat français cherche ici à se différencier de celle de son prédécesseur et à écrire «une page nouvelle» des relations franco-arabes, il serait intéressant de voir comment le nouveau pensionnaire du Quai d’Orsay va-t-il effectuer ce passage d’une théorie réussie à une praxis toujours plus compliquée.