beurs de france
Selon un universitaire français, les pays du Maghreb enregistrent un pic de braquages quand les Beurs, les Français d’origine maghrébine, viennent passer leurs vacances scolaires au pays de leurs parents. Vrais ou faux?


 

Le 18 août, l’émission ‘‘C dans l’air’’ sur France 5, intitulée ‘‘Ne tirez pas sur la police!’’ était consacrée à un sujet d’une chaude actualité en France: les attaques dont sont la cible les forces de l’ordre. L’un des invités, Xavier Raufer, criminologue et professeur à l’Institut de criminologie de l’université de Paris-II-Assas, s’est illustré par une intervention qui fait depuis des gorges chaudes sur le web.

Les «braquages de proximité»
M. Raufer a dit ceci: «Juste un mot pour dire que j’étais voilà deux ans dans le bureau d’un ministre d’un des deux grands pays du Maghreb et ça a cessé même d’être un problème national [français]. Le ministre en question m’a montré des courbes et les braquages dans la capitale de ce grand pays en question, il y a un pic de braquages quand il y a des vacances scolaires en France. Là, il commençait à me dire ‘‘vous [ne] pouvez pas les calmer un peu chez vous parce que, regardez, maintenant’’, des braquages de proximité, hein, les épiceries, les machins, etc. Donc ils reviennent au pays et se conduisent dans leur pays d’origine ou celui de leur famille comme ils se conduisent en France.»
A en croire M. Raufer, les casseurs des banlieues françaises, généralement issus de l’immigration maghrébine, font grimper les statistiques de la violence dans leurs pays d’origine à chaque fois qu’ils y reviennent pour passer des vacances.
Dans la bouche d’un académicien, une pareille affirmation est pour le moins surprenante. M. Raufer aurait été mieux inspiré s’il avait étayé ses affirmations par des statistiques crédibles. Non seulement il ne l’a pas fait, mais il cite le «ministre d’un grand pays maghrébin», qui plus est, sous le couvert de l’anonymat, comme le ferait un très mauvais journaliste, pour avancer de si graves accusations.
Dans la bouche, ou sous la plume, de quelque militant d’extrême-droite lepéniste, ces accusations donneraient à peu près ceci: «Non contents de foutre la merde en France, les Français d’origine maghrébine font exploser les statistiques des braquages pendant leurs vacances au bled.»

beurs france

Des «petits sauvageons sans foi ni loi»

Comme on devait s’y attendre, la phrase de M. Raufer n’a pas manqué de faire le tour du web sous le titre racoleur ‘‘Pic de braquages au Maghreb quand il y a des vacances scolaires en France’’. Au point de susciter des réactions à l’emporte-pièce, comme celle d’un internaute surnommé Pacha, «Tunisien vivant en Tunisie», qui croit pouvoir donner crédit au constat de M. Raufer: «Nous sommes chaque été submergés par ces milliers des petits sauvageons sans foi ni loi, qui se croient tout permis parce qu’ils ont des papiers français. Le comble, c’est qu’ils sortent à chaque fois leur passeport français quand les policiers s’apprêtent à les arrêter pour infraction», écrit Pacha. Il ajoute, tout aussi péremptoire: «L’Etat les ménage parce qu’ils sont une source importante de devises, mais les gens d’ici ont ras-le-bol de leurs incivilités. Aucun respect pour le code de la route, musique à fond dans les voitures, agressions gratuites et systématiques des filles non accompagnées sur fond de pseudo conservatisme religieux, etc.»
A Pacha, on voudrait seulement poser la question suivante: que font les jeunes tunisiens de Tunisie quand ils font la tournée des night clubs, du côté de Hammamet, de Gammarth et de Sousse? Ne se conduisent-ils pas comme de petits sauvageons? Ne mettent-ils pas les baffles de leurs limousines à fond? Ne lancent-ils pas des quolibets, et souvent même des gros mots, aux jeunes filles?
Quant à M. Raufer, on lui rappellera seulement ces faits rapportés par Yves Daoudal, un internaute français, sur son blog: 25 jeunes français ont été renvoyés récemment de deux structures d’hébergement de vacances en Hongrie. Ils ont commis des «dégradations» dans la première et ont dû être relogés. Ils ont commis des «dégradations» dans la seconde, et ont été renvoyés en France. Ces jeunes ne sont pas des Beurs, mais des Français pour ainsi dire de «pure souche», originaires du Nord.

La France en état de guerre permanent
Il est plus facile, bien sûr, de souligner le rapport entre l’immigration et la délinquance, comme le fait le président Nicolas Sarkozy et les membres de son gouvernement, au moment où celui-ci prépare un texte de loi pour retirer la nationalité française «à toute personne d'origine étrangère» coupable de certains crimes. Cette mesure, que les responsables français veulent «tout à fait exceptionnelle», participe d’un grave amalgame qui instaure, de fait, une sorte de «culpabilité collective et anonyme». Les Français d’origine maghrébine ont donc de bonnes raisons de s’inquiéter de cette dérive extrême-droitière.   
La France de Sarkozy, tout en gardant le regard rive sur les sondages, s’emploie à attiser la phobie sécuritaire pour des raisons honteusement électoralistes: nettoyage au karcher, retrait de la nationalité aux délinquants, chasse au Roms, Plan Vigipirate… En braquant l’attention des Français sur les faits divers et les petites violences quotidiennes, cette France là, de plus en plus chauvine et de mois en moins républicaine, cherche à donner aux Français l’impression de vivre dans un état de guerre permanent… contre un ennemi intérieur, chaque jour réinventé.

Imed Bahri