La corruption du secteur de la jeunesse et du sport sous Ben Ali commence à livrer ses secrets. Les dossiers remis à la justice pourraient nécessiter l’audition d’anciens hauts responsables du secteur et même d'ex-ministres qui ont participé à ces scandales.


Tarak Dhiab, le ministre de la Jeunesse et du Sport, n’a pas eu le temps de s’ennuyer depuis son accession au poste il y a six mois. Et pour cause : les dossiers de corruption au sein du département, sous l’ancien régime, se sont amoncelés sur son bureau. Selon Hichem Jamaa, secrétaire d’Etat à la Jeunesse, qui parlait lors d’un point de presse tenu au Palais du Gouvernement à la Kasbah, certains de ces dossiers ont été instruits avant d’être soumis à la justice tunisienne, qui est en train de les traiter.

39 fédérations concernées par les enquêtes

Le ministère de la Jeunesse et des Sports s’est employé, depuis six mois, «à ouvrir les dossiers de corruption et à enquêter sur toutes les plaintes qui lui sont soumises, de sources connues ou inconnues, telles que les fédérations de rugby, kyokushinkai, taekwondo, pétanque, etc.», alors que les investigations se poursuivent sur d’autres fédérations telle que de handball, a expliqué M. Jamaa.

«39 fédérations sont concernées par ces mesures», a encore précisé le secrétaire d’Etat, soulignant que la loi autorise le ministre de la Jeunesse et des Sports à mettre fin aux fonctions de tout responsable dans toute fédération impliquée dans des affaires de malversations.

Concernant les mêmes dossiers de corruption, Walid Balti, chargé de mission auprès du ministre de la Jeunesse et des Sports, a indiqué que «les principaux dossiers touchent la société de Promosport, la Caisse nationale de sécurité sociale (Cnss), l’association Basma pour handicapés et l’Association des amis des maisons des jeunes».

Des fonds sans fond pour alimenter des caisses noires

Il a révélé à cet égard que le Fonds national de la promotion du sport (Fnps) réservait 20% des recettes des paris sportifs au profit de la présidence de la république – au titre du fonds 19, lui-même versé au fonds 5 qui n’a aucun fondement légal – alors que les enquêtes ont révélé que les recettes servaient aussi à fournir des primes à des organisations relevant de l’ex-Rcd au pouvoir qui n’ont aucun rapport avec le domaine de la jeunesse et des sports, telles que l’Organisation tunisienne des mères (Otm) de Saïda Agrebi (en fuite en France), l’Association tuniso-française de cardiologie et l’Amicale des diplômés de l’Ena.

Parmi le résultats des investigations, il a cité le transfert de 3,035 millions de dinars de la Caisse nationale de sécurité sociale (Cnss) pour couvrir les droits de transmissions des matches de la Can 2010, sur ordre de l’ancien Premier ministre, se référant à l’article 58 de la loi 101 en date de 1974 relative à la loi de finance de 1975 réservant l’excédent des cotisations patronales au financement des activités économiques.

Autre grand dossier examiné, celui de la Cité nationale sportive relevant du ministère qui disposait de comptes dans des agences d’une banque privée sans que le contrôleur d’Etat, l’auditeur et le conseil d’administration ne soient au courant et qui a permis de financer le 20e anniversaire de l’arrivée au pouvoir de l’ex-président Zine El Abidine Ben Ali et l’année internationale de la jeunesse, pour un montant total de 1,750 MD.

Le chargé de mission du ministère a, par ailleurs, indiqué que le département de tutelle avait mis en place une Association des amis des maisons de jeunes et de culture qui concluait des transactions pour son propre compte. «Les activités de cette association se sont poursuivies après la révolution mais le ministre a décidé de la dissoudre, une mesure préventive avant de procéder au contrôle de toutes les dépenses», a-t-il précisé.

Il a affirmé que le ministère avait décidé à l’époque de verser 500.000 dinars de son budget à l’association Basma tout en lui fournissant des équipements audio-visuels et sportifs qui ont été transférés ensuite au palais présidentiel.

M. Balti a indiqué que les rapports des structures de contrôle ont également permis de constater des erreurs de gestion commises par les fonctionnaires du ministère.

I. B. (avec Tap).