Sous un soleil d’enfer, plusieurs hommes – pour la plupart barbus – se sont rassemblés, mercredi, devant le ministère des Affaires étrangères. Ils demandent l’intervention du gouvernement pour libérer leurs frères détenus en Irak.

Par Zohra Abid


La veille, les familles de jeunes détenus en Irak ont observé un sit-in devant le même ministère demandant au gouvernement de tenir ses promesses et d’intervenir au plus vite auprès des autorités irakiennes afin de libérer plusieurs Tunisiens incarcérés dans les prisons depuis des années. Ce sit-in est le énième en moins d’un an et demi.

23 incarcérés et 97 combattants disparus

Mercredi, près d’une trentaine d’individus se sont donné rendez-vous au même endroit. «Nous savons déjà le sort de 23 personnes. Elles sont incarcérées dans les prisons. Mais nous savons aussi que 97 personnes ont été en Irak pour combattre l’ennemi, mais ils n’ont donné aucun signe de vie depuis des années», a dit à Kapitalis le frère de l’un des 23 détenus en Irak. Et d’ajouter que son père est à l’intérieur du ministère en train «de négocier avec un responsable du département sur l’avenir de ces jeunes. Si ce responsable va être négatif, nous n’allons pas bouger d’ici», a-t-il dit.

Le jeune homme brandit une affiche avec les photos de détenus en Irak. Autour de lui, nombre de personnes venues pour la même cause. Ils brandissent soit des photos de détenus soit des bannières noires ou blanches estampillées de versets coraniques. «Je suis venu pour soutenir ces familles en déprime. Mais pour soutenir aussi la cause de la oumma (islamique, Ndlr). On en a marre des promesses. Ce gouvernement est pire que celui de Ben Ali. Après avoir promis, il est revenu sur ses déclarations. Nous allons faire pression, ainsi, il va bouger», a renchéri un autre qui n’a aucun lien de parenté avec le premier.

Ils demandent des nouvelles à propos de leurs proches disparus en Irak.

Sous la tente, des hommes, le regard plein de colère, refusent de nous faire une déclaration. L’un d’eux nous a tourné le dos et a murmuré quelques versets. A une enjambée de lui, un barbu agitant sa bannière noire, beaucoup plus bavard que ses camarades, s’attaque directement au ministère de la Justice en accusant le ministre en personne et tout son staff de «menteurs et hypocrites». «Ils ne sont pas solidaires avec nous. Ils ne font que nous mentir. Nous venons d’apprendre de nos frères libyens qu’il y a eu une délégation qui va rentrer à Tripoli et Benghazi avec 8 détenus libyens. Quant à notre gouvernement, il parle beaucoup et, sur le terrain, il ne fait rien. S’il avait envoyé, comme nos voisins, une délégation pour négocier avec ses homologues irakiens, nos enfants seraient bien rentrés. Ce sont des menteurs… Voilà ce que je pense de ce gouvernement qu’on a soutenu auparavant», a enchaîné un autre. Selon lui, le gouvernement est responsable de ce qui va arriver aux Tunisiens détenus en Irak. «S’il leur arrive quoi que ce soit, nous aurons affaire avec ce gouvernement», a-t-il ajouté.

Les vaines promesses du gouvernement

Des prisonniers tunisiens en Irak dont on espère un hypothétique transfert en Tunisie.

Le dépit de ces hommes est d’autant plus grand que le président de la république Moncef Marzouki avait promis, en recevant des parents de prisonniers en Irak, de faire de son mieux pour aider à les rapatrier. Les discussions qu’il a eues, à ce propos, avec ses hôtes irakiens, à l’occasion de la sa visite dans ce pays, il y a quelques mois, en marge du sommet de la Ligue des Etats arabes, ont donné encore plus d’espoir aux prisonniers et à leurs familles. Cependant, les espoirs, alimentés également par plusieurs membres du gouvernement Jebali, notamment les ministres des Affaires étrangères et de la Justice, respectivement Rafik Abdessalem et Noureddine Bhiri, n’ont pas tardé à être déçus. Les autorités irakiennes semblent camper sur des positions fermes : les éléments jugés doivent purger la totalité de leur peine en Irak, soutiennent-ils.