Généralement, pour enterrer un dossier, on le confie à une commission d’enquête. Le gouvernement Jebali a trouvé mieux: il lui consacre séminaire sur séminaire. Ainsi la parlote tient lieu d’action.
Il en a été ainsi à propos de la justice transitionnelle, de la lutte contre la corruption, de la réforme de l’administration, de l’assainissement de la police, etc. On réunit les experts, locaux et internationaux, les ministres font leurs speechs, et puis tout le monde a l’impression que l’on fait quelque chose pour faire bouger tel ou tel dossier qui, pourtant, fait du surplace.
Une course d’obstacles
Le ministère de la Justice, impuissant jusque là à faire bouger d’un iota le dossier des biens et avoirs mal acquis de l’ex-clan au pouvoir (au Canada, en Suisse, en France, aux Emirats, en Arabie saoudite et au Qatar…), a cru devoir consacrer une journée nationale (et un séminaire) à ce sujet.
La journée nationale et le séminaire ont été organisés, mercredi, au Palais des Congrès à Tunis, et c’est le chef du gouvernement lui-même qui a été invité à l’ouvrir.
«La Tunisie a réussi à restituer un avion, à obtenir un jugement pour la confiscation de 28 millions dollars placés dans un compte à Beyrouth et à récupérer une villa au Canada», a déclaré, ce dernier. Et de justifier ce très maigre butin par le fait que «la restitution des avoirs détournés à l’étranger est un processus difficile et complexe et prend du temps». Plus et mieux : ce processus n’est pas l’apanage du gouvernement; la société civile y a aussi son rôle et elle doit soutenir les efforts de l’Etat.
M. Jebali a, dans ce contexte, passé en revue les obstacles qui entravent la restitution des avoirs détournés, citant, notamment la difficulté d’identifier tous ces avoirs ou de suivre leur mouvement et leur transfert, et l’existence de forces occultes qui couvrent et facilitent ces manigances. Qui sont ces forces? Comment agissent-elles ? Et pourquoi le gouvernement se sent-il si désarmé face à elles?
Autre obstacle évoqué par M. Jebali : l’absence d'un cadre juridique clair régissant la restitution de l'argent sale et des complications procédurales inhérentes à cette question.
La mauvaise stratégie du gouvernement
«Tout responsable administratif qui détient des informations sur des dossiers de corruption sans les divulguer est considéré comme complice», a pour sa part averti le ministre de la Justice Noureddine B’hiri, mettant l’accent sur la nécessité de conjuguer les efforts pour récupérer l’argent du peuple et apporter l’aide nécessaire dans ce sens.
Pour le bâtonnier des avocats Chawki Tabib, le bilan inhérent à la restitution des avoirs détournés est «maigre». Ce faible bilan, a-t-il précisé, est imputé à «une mauvaise stratégie», dans la mesure où le gouvernement n’a pas associé toutes les parties concernées à cette opération, dont les avocats.
En conclusion, le gouvernement éprouve les pires difficultés à faire restituer les biens mal acquis de l'ex-clan au pouvoir, en Tunisie comme à l'étranger. Il demande l'aide de la société civile, une manière de botter en touche et de se défausser sur les acteurs de la société civile. Last but not least, il renvoie le règlement du dossier aux calendes grecques.
I. B. (avec Tap).