L’Assemblée nationale constituante (Anc) se réunira en séance plénière, aujourd’hui à partir de 11 heures, pour célébrer le 55e anniversaire de la république, proclamée le 25 juillet 1957.


La séance sera marquée par les allocutions du président de la république Moncef Marzouki, du chef du Gouvernement  Hamadi Jebali et du président de l’Anc Mustapha Ben Jaafar.

Le long chemin de la lutte nationale

L’abolition de la monarchie et la proclamation de la république en Tunisie ont eu lieu au lendemain de l’indépendance du pays, le 20 mars 1956, obtenue au terme d’une longue lutte nationale contre l’occupation française, instaurée le 12 mai 1881, avec la signature du Traité du Bardo officialisant le protectorat français.

Au lendemain de ce traité, la France n’a pas tardé à abuser de ses droits et prérogatives de protecteur pour exploiter le pays comme une colonie, en contraignant le Bey à abandonner la quasi-totalité de ses pouvoirs au résident général de France, qui représentait à Tunis les intérêts de la France protectrice.

L'occupation a eu néanmoins certains effets positifs, notamment au niveau de la modernisation du pays: la Tunisie put ainsi bénéficier du savoir-faire français en matière de réseau ferré, d’agriculture, d’industrialisation, etc.

Le début du XXe siècle est marqué par les premières initiatives sérieuses contre l’exploitation coloniale du protectorat par la France. Leur répression violente conduit les mouvements nationalistes à se radicaliser et le 3 juin 1920 est créé le Parti libéral constitutionnel tunisien (Parti du Destour), qui revendique l’indépendance totale du pays.

Bourguiba, le fondateur

En 1932, Habib Bourguiba, un jeune diplômé en droit membre du Destour, fonde avec d’autres le journal L’Action Tunisienne, qui revendique l'indépendance et prône la laïcité. Cette position originale au sein du Destour n’a pas tardé à conduire, deux ans plus tard, à sa scission en deux branches, l'une islamisante qui conserva le nom Destour, et l’autre moderniste, le Néo-Destour.

Ce nouveau parti a été dirigé par un bureau composé du Dr Mahmoud Materi (président), de Habib Bourguiba (secrétaire général), et de Tahar Sfar, Bahri Guiga et M'hammed Bourguiba (membres).

Au milieu des années 30, la répression coloniale se fait plus violente et Habib Bourguiba est éloigné avec d’autres militants dans le Sud tunisien; il est assigné à résidence. En 1936, l’accession au pouvoir du Front Populaire permet la libération des leaders indépendantistes. Ce répit n’a pas duré et en 1938, Habib Bourguiba est emprisonné en France pour conspiration contre la sûreté de l’Etat.

Malgré sa libération par le régime de Vichy à la demande de Mussolini, Bourguiba n’a pas voulu cautionner des régimes fascistes et lança, le 8 août 1942, un appel au soutien aux troupes alliées. Cette position lui valut d’être aussitôt arrêté par les nazis, mais allait être à l'origine de sa remise en liberté en avril 1944.

Rapidement, des négociations sont menées par Habib Bourguiba et Salah Ben Youssef avec le gouvernement français, mais leur échec provoqua, en janvier 1952, le début de la révolution armée et un durcissement des positions de chaque camp.

Cette situation difficile fut apaisée par les réformes de Pierre Mendès-France, un peu plus d’un mois après son accession au pouvoir en juin 1954. En effet, le 31 juillet 1954, il annonce unilatéralement la reconnaissance de l’autonomie interne de la Tunisie, et la formation d’un gouvernement intérimaire, auquel participèrent trois membres du Néo-Destour. Le traité de l’autonomie interne fut signé le 3 juin 1955 malgré l’opposition de Salah Ben Youssef pour qui ces accords constituaient un pas en arrière. Car, contrairement à Bourguiba qui prône une indépendance obtenue pacifiquement, «à travers des étapes, avec l’aide de la France et sous son égide», Salah Ben Youssef soutient le panarabisme et souhaite l’indépendance totale et immédiate.

D’une république l’autre

Le différend entre les deux leaders du Néo-Destour finit par être tranché en faveur de Bourguiba quelques mois plus tard, évitant ainsi au pays le bain de sang que promettait une guerre frontale avec la France.

Le 20 mars 1956, la France finit par concéder à la Tunisie l’indépendance totale (à l’exception du port stratégique de Bizerte) et moins d’un mois plus tard fut élue l’Assemblée nationale constituante (Anc), dont Habib Bourguiba fut le premier président.

Les derniers restes de colonialisme prennent fin le 15 octobre 1963, avec l’évacuation de Bizerte, dernière base française dans le pays.

Tout en fondant les bases d’une république moderne, ouverte sur le monde libre, Bourguiba n’a pas tardé à instaurer un système autoritaire qui va vider la république de sa substance, à savoir la représentation démocratique et populaire.

Au terme d’un règne sans partage, ponctué de plusieurs crises politiques et sociales, suivies de campagnes de répression brutales et aveugles, contre les opposants nationalistes arabes, de gauche, puis islamistes, Bourguiba a été déposé par son Premier ministre, le général Zine El Abidine Ben Ali, un homme du sérail qui n’a pas tardé, lui non plus, après une brève période d’ouverture politique aux forces d’opposition, de verrouiller de nouveau le système politique. S’ensuivit une longue période de répression politique qui prit fin avec la fuite de Ben Ali, le 14 janvier 2011, et la chute de son régime.

L’élection d’une deuxième Assemblée nationale constituante (Anc), le 23 octobre 2011, chargée de rédiger une nouvelle constitution, ouvre la voie à une période transitoire qui doit se terminer par une nouvelle élection, probablement le 20 mars 3013, pour une refondation démocratique de la république tunisienne.

I. B. (avec Tap)