Doit-on s’inquiéter et chercher des heurts qui ont éclaté jeudi à Sidi Bouzid, berceau de la révolution tunisienne, ou dénoncer un complot de la gauche, comme le fait le parti Ennahdha au pouvoir?
Le président de la république provisoire Moncef Marzouki prévenait, la veille, dans son discours à l’Assemblée nationale constituante (Anc), à l’occasion du 55e anniversaire de la république : si on ne répond aux attentes urgentes des populations, une seconde révolution pourrait avoir lieu!
La seconde révolution est-elle en gestation?
Les faits n’ont pas tardé à lui donner raison, lorsque, jeudi, des heurts ont éclaté entre force de l’ordre et manifestants à Sidi Bouzid, berceau de la révolution. Les protestataires, des ouvriers de chantiers réclamant leurs salaires, non payés depuis deux mois, ont attaqué et saccagé le siège du gouvernorat. Des images qui ressemblent étrangement à celle ayant suivi l’auto-immolation par le feu de Mohamed Bouazizi, le 17 décembre 2011, et qui ont provoqué, un mois plus tard, par un effet de contagion – le pays s’étant embrasé du nord au sud –, la chute d’ancien régime.
Le gouvernement Jebali serait donc bien inspiré de prendre au sérieux ce mouvement qui, quoique disent les dirigeants de son part Ennahdha, est spontané et suffisamment justifié par les manquements de l’administration et son laxisme. Car cela fait déjà plusieurs semaines que les manifestants demandent à être rémunérés. Et c’est un ras-le-bol qui s’est exprimé hier, quoique de manière regrettable voire même condamnable. Les manifestants, qui étaient soutenus par des habitants qui dénonçaient leurs conditions de vie misérables, ont d’ailleurs saccagé et tenté d’incendier le siège du parti islamiste au pouvoir Ennahdha.
«Voici de nouveau la police de Ben Ali»
Les organisations syndicales estiment le nombre de protestataires à 1.000. Mais le ministère de l’Intérieur donne le chiffre de 150. On appréciera la marge d’erreur des uns et des autres.
La violence de la manifestation a contraint les forces de l’ordre à intervenir en tirant des grenades lacrymogènes pour disperser les gens qui s’attaquaient à coup de pierres au gouvernorat. Les contestataires scandaient «Voici de nouveau la police de Ben Ali», faisant ainsi une lourde au retour des anciennes méthodes.
De son côté, Ennahda a déploré les attaques contre son siège, désignant «un groupe de manifestants téléguidés par des partis politiques». Il n’a pas nommé les partis en question, mais a laissé entendre qu’il s’agit de mouvements de gauche et de rescapés de l’ancien régime. Allégation dont il aurait sans doute beaucoup de mal à apporter les preuves.
I. B.