Au cours d’une causerie dont la vidéo circule sur le web, le chef d’Ennahdha Rached Ghannouchi plaide de manière pernicieuse pour réinstauration de la polygamie.
A une question de l’une des femmes présentes (toutes voilées, ce qui laisse supposer qu’elles sont toutes des militantes du parti islamiste) relative à la polygamie, M. Ghannouchi commence par affirmer que c’est une «question marginale».
Il ne dit pas, bien sûr, qu’il s’y oppose, lui qui s’y connaît en la matière puisqu’il a épousé plusieurs femmes, notamment une Tunisienne et une Soudanaise.
Il ne dit pas non plus ouvertement qu’il plaide pour la restauration de la polygamie, abolie par l’ex-président Habib Bourguiba avec la promulgation du Code du statut personnel le 3 août 1956.
Non, M. Ghannouchi suit le chemin tortueux de la sophistique pour aboutir à la même proposition: la polygamie serait, par déduction, et en dernière instance, la seule solution aux problèmes de la société tunisienne, lesquels trouvent leur origine dans la déliquescence de l’institution du mariage.
Ecoutons le cheikh: «Le Tunisien ne peut même plus se marier. Il est souvent chômeur et pauvre et n’est même plus en mesure de subvenir aux besoins d’une seule femme. C’est pourquoi, d’ailleurs, il ne se marie plus. Beaucoup de jeunes dépassent l’âge de 40 ans sans se marier. La femme qui travaille, elle aussi, ne veut pas avoir d’enfants. Résultat: on est en train de fermer des écoles parce qu’il n’y a plus d’enfants à scolariser. Voilà le projet de société initié par Bourguiba et poursuivi par Ben Ali. Et qui est totalement biaisé…»
Dans cette vidéo, le cheikh transmet quelques messages subliminaux qui n’échappent pas à une analyse perspicace de ses affirmations. Dites autrement, celles-ci pourraient se traduire à peu près comme ceci:
- si les hommes ne trouvent plus de travail, c’est à cause des femmes qui occupent les postes qui auraient pu leur revenir;
- les femmes qui travaillent sacrifient l’institution de la famille, premier noyau de la vie sociale, sur l’autel de leurs ambitions professionnelles;
- c’est Bourguiba et son Code du statut personnel qui sont responsables du chômage des hommes, de l’émancipation excessive des femmes et de la dénatalité, cause de l’effritement de la cellule familiale;
- par conséquent, et pour rétablir la normalité «islamique» dans le pays, il convient de combattre le modèle de société bourguibien, dont le Code du statut personnel est le symbole le plus puissant. Le salut de la société tunisienne tiendrait, donc, à l’abolition de cette loi et, par conséquent, au rétablissement de la polygamie.
Quand on examine les projets de lois que proposent les députés d’Ennahdha en ce qui concerne la femme et la famille, et qui battent en brèche le principe même d’égalité des sexes, on comprend que Ghannouchi et ses adeptes n’ont qu’un seul objectif en tête : transformer radicalement la société tunisienne en une société «islamiquement correcte», aux lois et pratiques conformes à la chariâ.
Imed Bahri