Selon des experts, le secteur du transport en Tunisie ne vit pas ses meilleurs jours. C’est un euphémisme. Pourtant, les responsables qui en ont charge se permettent de bouger pour ne rien faire.

Par Aya Chedi


 

La Corée du Sud, la Chine, la France ou encore la Turquie ne sont pas – à l’exception de la France – des pays émetteurs de touristes vers la Tunisie, comment se fait-il alors qu’ils figurent au programme des missions effectuées ces derniers mois par le ministre du Transport Abdelkerim Harouni, qui se la joue globe-trotter?

Les nouveaux courtisans du ministre «imam»

Toutes ces virées ont été effectuées essentiellement pour réceptionner en grande pompe du matériel commandé par… l’ancien régime (un appareil de Tunisair, un car-ferry de la Ctn, une rame de métro de la Transtu...). Pire encore, ces commandes – souvent gonflées – auraient servi à renflouer les comptes àl'étranger de Ben Ali et de ses proches, alors que personne ne s’interroge aujourd’hui – le ministre pas plus que les autres – sur le sort des commissions convenues – et sans doute payées rubis sur ongle – au moment de la signature des contrats. Ne peut-on pas imaginer qu’une bonne partie de la fortune de Ben Ali et de ses proches déposée à l’étranger provient de ces commissions?

Dans le même temps, le secteur du transport va de mal en pis, devant le silence complice des nouveaux courtisans qui se pressent au portillon. Un silence qui camoufle mal l’incompétence et la nullité de beaucoup des nouveaux responsables mis en place. Ces derniers, qui préfèrent la politique de l’autruche face aux vrais et innombrables problèmes du secteur, se manifestent volontiers au moment des ablutions et des prières derrière leur ministre «imam». Ces mêmes hypocrites, qui ont causé la perte du pays sous l’ancien régime, font étalage de leur mauvaise foi – et c’est le cas de le dire – afin d’obtenir «l’absolution» de l’actuel maître du secteur!

Silence, le ministre fait son cinéma!

L'aéroport international de Monastir n'est pas sorti de la crise.

Le 2 juillet, les propriétaires des sociétés de maintenance et de surveillance des bateaux ont organisé une protestation devant le ministère du Transport réclamant des solutions aux perturbations et aux sit-ins qui paralysent le secteur depuis quelques temps et constituent une grave menace pour l’économie du pays.

De même, les lamineurs des ports de Sfax et de Rades ne cessent de faire entendre leur voix, en contestant un ensemble de conditions, alors que la tutelle continue de faire la sourde oreille. Son seul souci semble être d’obtenir le silence des médias face aux graves problèmes du secteur et aux agitations sociales qui le secouent de temps à autre!

Au niveau du transport terrestre et ferroviaire, la qualité de service demeure catastrophique, à cause de problèmes structurels qui méritent des solutions urgentes, mais le ministre du Transport se contente de s’afficher lors des cérémonies d’inaugurations pompeuses (de projets qu’il n’a même pas initiés) et des visites (en Tunisie et à l’étranger), onéreuses et surmédiatisées, mais sans aucun effet positif. A moins de compter parmi les réalisations du ministre Harouni les innombrables reportages photo et vidéo consacrés à ses précieuses activités, et qui engorgent le site web du ministère du Transport.

Tout bouge pour que rien ne change

Ces pratiques et attitudes nous rappellent le «bon vieux temps» de la dictature, lorsque la communication tenait lieu de politique et les déclarations lénifiantes masquaient le manque de performance, le bruit servant souvent à noyer les fausses notes!

Ce qui semble requérir des solutions d’une extrême urgence, c’est le transport aérien. Un secteur dont les problèmes ne risquent pas d’être résolus juste en interdisant la vente d’alcool à bord des avions de la compagnie nationale Tunisair. Un secteur qui se détériore à vue d’œil avec des aéroports qui ressemblent de plus en plus à des gares routières, des bagages livrés avec plus deux heures de retard et des horaires de vols très rarement respectés. Tout ceci sans omettre l’accord, dégradant et honteux, conclu avec le consortium turc Tav, et qui concerne le partage du trafic entre les deux aéroports de Monastir et d’Enfidha!

Tunisair traverse de gros nuages.

Par-delà l’effet négatif de cette décision sur le plan financier (le passager dépense 9 euros (18 dinars) de plus à Enfidha selon Tav!), il est impossible d’opérer un partage à la manière d’un gâteau, étant donné que les compagnies aériennes et les voyagistes choisissent eux-mêmes leurs aéroports.

Par-delà donc cette problématique, les maux de Tunisair et de l’ensemble du secteur du transport aérien ne pourront pas être résolus dans des délais susceptibles de sauver le secteur du naufrage, non seulement à cause du laxisme et de l’incompétence des responsables actuels, mais aussi à cause de la gravité des nouveaux enjeux qui s’accumulent sans susciter l’intérêt des décideurs. Comment, par exemple, la Tunisie pourra-t-elle répondre aux multiples demandes de ses partenaires d’ouvrir son ciel à la concurrence des compagnies étrangères dans le cadre de l’accord de l’Open Sky?

Nos nouveaux décideurs n’ont peut-être pas la panacée, mais leur immobilisme est pur le moins inquiétant, car donne l’impression d’une totale inconscience. Mais bougez-vous un peu mon dieu! Montrez-nous que vous faites quelque chose pour régler les problèmes d’un secteur dont l’effondrement annoncé ne saurait être retardé plus longtemps.